Quand l’école Eiffel dessine la Marseillaise !

 

S’il est une école sympathique, c’est bien l’école élémentaire Eiffel que dirige depuis 12 ans Marie-Claire Teno avec efficacité et bienveillante sagesse. A regarder la photo des 250 élèves qui illustre la page d’accueil de cet établissement sur le web – douze classes, dont deux accueillent des enfants malentendants, on se dit qu’il existe encore des établissements scolaires où le bonheur d’apprendre n’est pas un vain mot. Voilà pourquoi il nous a semblé à Dijon L’Hebdo intéressant de poser LA QUESTION à Marie-Claire Teno sur la remise du kit républicain de la Marseillaise, à l’initiative du maire de Dijon, François Rebsamen, aux enfants début novembre, et de lui demander si ceux-ci se sentent davantage concernés par « les symboles forts de l’unité nationale », contenus dans l’hymne à la patrie de Rouget de L’Isle ainsi que dans le drapeau français.

DIJON L’Hebdo : Vous avez effectué un travail pédagogique avant que les élèves ne reçoivent ce kit. Est-ce que, en dehors des heures d’histoire, vous avez étendu cette thématique à l’ensemble des disciplines qui sont enseignées dans le Primaire ? Avez-vous également le sentiment que votre mission a été bien perçue par les enfants ?

Marie-Claire Teno : « Mes collègues et moi-même avions mis en place, en prélude à la remise du Kit de la Marseillaise par la Ville de Dijon, toute une action de sensibilisation à la notion de citoyenneté, et avions insisté sur la nécessité d’accorder de l’importance à l’instruction civique qui, dans le contexte actuel, s’avère primordial. Nous l’avons fait de façon concrète, au quotidien et par le biais des programmes scolaires, du CE1 au CM2. L’apprentissage du « vivre ensemble », du respect, de la tolérance commence pour nos élèves dès la cour de récréation, tout aussi bien que durant les cours. Je note avec satisfaction que, depuis quelque temps, il y a chez eux une réelle prise en compte des valeurs de la République. C’est important, quand on sait que tout se joue dans l’enfance : la compréhension de l’arithmétique, la maîtrise de la lecture mais aussi les valeurs auxquelles on adhèrera plus tard dans la vie. Déjà le 11 septembre dans le cadre de la Libération de Dijon, nos élèves avaient chanté la Marseillaise, place Darcy. On les avait alors sentis très imprégnés de l’importance de cette page de notre Histoire. Bien sûr, ils sont petits, et la parole n’est pas forcément aisée pour eux. De toute façon, nous les instituteurs, sommes tenus à une obligation de neutralité… Tous ces facteurs limitent évidemment la possibilité d’aller loin dans la discussion, lorsque nous évoquons en classe tous les évènements tragiques liés au terrorisme ! Ce qui fait que nous préférons privilégier l’expression par le dessin. Savez-vous comment, ils ont représenté la devise de la République française – Liberté, Égalité, Fraternité ? La majorité d’entre eux ont mis sous le terme « Égalité » un espace blanc et un espace noir d’égale valeur ; sous le mot « Fraternité » une main noire qui serre une main blanche ; et pour le symbole de la « Liberté », ils ont dessiné un bureau de vote avec des enfants blancs et d’autres noirs. Je leur ai dit : « mais, il faut être adulte pour mettre un bulletin dans l’urne ! » Là, ils ont eu cette remarque absolument révélatrice du travail pédagogique accompli en classe : « Oui, maîtresse ! Mais, ce sont bien les enfants qui accompagnent leurs parents, les jours de vote ». Je voudrais ajouter un autre fait tout aussi signifiant : le 6 octobre dernier, nous avons, comme partout en France, procédé à un exercice simulant une intrusion terroriste dans l’école. Nous avions bien sûr expliqué les tenants et aboutissants afin de ne pas troubler nos élèves ni de les perturber, en leur recommandant de bien observer le silence durant toute l’opération … Eh bien, l’un de nos petits a spontanément entonné la Marseillaise. C’était son cri à lui de colère vis-à-vis du terrorisme, son refus de l’intolérance ». Vous comprenez pourquoi, même si je me sens fatiguée en fin de semaine, je reprends chaque lundi le chemin de l’école avec un bonheur tout neuf ».

Propos recueillis par Marie-France Poirier