Les vins allemands : « A boire gemütlich ! »

Jean Battault, président de Dijon Congrexpo, explique, pour Dijon l’Hebdo, ce qui fait le charme des vins allemands présents à Vinidivio dans le cadre de la Foire gastronomique.

Dijon l’Hebdo : Cette année, du 1er au 13 novembre, la Foire gastronomique et internationale de Dijon va faire la part belle à l’Allemagne et à ses vins. Qu’est-ce qui fait la particularité des vins allemands et notamment ceux de Rhénanie-Palatinat ?
Jean Battault : « La vraie caractéristique des vins allemands, c’est qu’ils sont très bien faits et se boivent facilement. Ce sont des vins très purs avec de jolies notes de fruit, une belle minéralité aussi. Les viticulteurs allemands sont très respectueux de leur mode de culture, de l’encépagement. Il est important d’expliquer qu’il y a des mots, dans toutes les langues, quasiment impossibles à traduire. Il y en a deux, en allemand, auxquels je pense notamment : sehnsucht et gemütlich. Le premier, c’est le spleen, la nostalgie, le blues. Il n’a pas son équivalent en français. Le second signifie agréablement, avec plaisir, facilité. Et en Allemagne, on dit volontiers : « Je bois un verre de riesling gemütlich ».

Dijon l’Hebdo : C’est aussi votre façon de déguster ces vins ?
J. B. : « Absolument. Ce mot touche à l’ambiance. Il faut s’imaginer sur les bords du Rhin, le soir, sous une tonnelle, assis avec des amis autour d’une table en bois. Le riesling est bien frais. Il sort de la cave et il passe bien. Très bien même ».
Dijon l’Hebdo : Votre profession vous a fait parcourir le monde. Avez-vous conservé de bons souvenirs de vos séjours et de vos dégustations en Allemagne ?

J. B. : « Des souvenirs excellents. La relation avec le client est toujours très forte. Les vignerons ont tous une salle de dégustation avec une décoration très sobre faite de lambris sur les murs, de mobilier en bois… Les dégustations se font avec un petit pain à l’oignon. Les verres ressemblent à des calices romains dont le pied est vert pour renvoyer des couleurs positives au vin blanc qu’il contient. C’est un grand moment de partage. Cette convivialité, on la retrouve dans les villages qui bordent la vallée du Rhin. Il faut y aller au début de l’automne pour découvrir une fête bon enfant, très détendue qui se passe sur la place du village. Il n’y a pas de descente de cave. On achète un verre et on déguste le vin au fil des stands dans une ambiance musicale distillée par un orchestre d’harmonie ou une fanfare ».

Dijon l’Hebdo : Que trouve-ton comme cépage ?
J. B. : « Les vins allemands qui se récoltent sur plus de 100 000 hectares sont très majoritairement blancs. Le cépage dominant, c’est le riesling. En rouge, le cépage le plus répandu est le Spätburgunder. L’Allemagne produit de plus en plus de vins rouges, notamment en Bade où les conditions climatiques s’y prêtent. Les Allemands consomment 48 % de vins rouge, 42,2 % de blanc et 9,8 de rosé. C’est une consommation qui va à l’encontre de ce qu’on pouvait imaginer.
Pour preuve, cette image – que l’on qualifierait volontiers d’Epinal – distillée par les restaurants outre Rhin où l’on voit posé, devant une femme plantureuse, un verre de vin rouge en guise de dessert ».

Dijon l’Hebdo : Quels sont les principaux chiffres qui caractérisent le vin en Allemagne ?
J. B. : « L’Allemagne produit 10 millions d’hectolitres de vin, en consomme 20, en importe 15,2 et en exporte 4. Sur ce dernier point, c’est donc un pays particulièrement intéressant pour la France quelles que soient nos régions de production. Sans oublier la consommation importante de champagne. Ce qui est somme toute normal quand on sait que ce sont les Allemands qui ont créé les vins effervescents. Le marché allemand est sensible aux prix et les vins sont vendus généralement à la consommation entre 8 et 12 € ».

Dijon l’Hebdo : Quels sont les vins les plus aboutis ?
J. B. : « Pour tirer le meilleur parti des conditions particulières du vignoble allemand, les vignerons cueillent le raisin à différents stades de maturité tout au long de l’automne et même en hiver. On peut évoquer les raisins atteints par la pourriture noble au stade de la surmaturation qui survient à partir de fin octobre. La pourriture noble entraîne une forte concentration des sucres et des arômes de fruits et permet la production de vins liquoreux ou moelleux. Les meilleurs vins de ce genre ont un jeu d’acidité subtil qui équilibre cette douceur et qui fait le charme particulier du vin allemand. Il y a aussi le Eiswein, le vin de glace. On le cueille quand il est gelé, de novembre à janvier, au petit matin avant le lever du soleil et on le presse aussitôt ».

Dijon l’Hebdo : Et celui que vous préférez ?
J. B. : « J’aime beaucoup les rieslings de la Nahe, au sud-ouest de l’Allemagne, que je sers en à l’apéritif ».
Dijon l’Hebdo : On dit que les meilleurs vins d’Allemagne figurent parmi les meilleurs vins du monde. Et pourtant, ce fait est généralement inconnu du grand public. Pourquoi ?
J. B. : « Dans le domaine des vins, nous Français, nous sommes, en toute simplicité, hors du monde. On a cette fâcheuse prétention de se voir comme les meilleurs. Du coup, on se ferme trop souvent aux vins étrangers tout simplement parce qu’on ne les connaît pas. C’est dommage parce que les Allemands ont pour nous les yeux de Chimène. Ils suivent avec beaucoup d’intérêt notre actualité viticole d’où les plantations importantes de chardonnay qu’ils ont effectuées. Et ne dit-on pas : « In Deutschland arbeiten, in Frankreich leben (1) » ?

Dijon l’Hebdo : Pourrait-on trouver quelques similitudes avec les bourgognes ?
J. B. : « Ce sont des comparaisons qu’il ne faut pas faire même si les vins sont issus du même cépage. Les chardonnay n’ont pas la même expression qu’en Bourgogne et les pinots noirs rappellent plutôt des pinots noirs d’Alsace, très pâles, très légers. C’est une approche très différente mais très intéressante à la différence des vins du Nouveau Monde qui tentent d’imiter nos produits plutôt que de chercher une expression qui leur est propre avec leur terre et leur ensoleillement ».

Dijon l’Hebdo : Le vin, en Allemagne, ne souffre-t-il pas de la forte consommation de bière ?
J. B. : Le contexte allemand est différent. Après une dégustation de vin, il n’est pas rare de boire de la bière. Cette dernière est considérée au même titre qu’un aliment et ne vient pas concurrencer la consommation de vin ».
Dijon l’Hebdo : VINIDIVIO va donc nous permettre de découvrir la qualité des vins allemands ?
J. B. : « Après les vins du Chili l’an dernier, le salon VINIDIVIO a choisi de mettre à l’honneur cette année ceux du Land de Rhénanie-Palatinat, avec lequel la Bourgogne entretient des relations privilégiées depuis près de 60 ans. Du 3 au 7 novembre, dans le cadre de la Foire de Dijon, la 4e édition du salon VINIDIVIO permettra de découvrir une vingtaine de maisons de vins parmi les plus prestigieuses de Rhénanie-Palatinat. La Bourgogne et la Rhénanie-Palatinat ont pour point commun la culture viticole : la Rhénanie-Palatinat abrite six des treize régions viticoles allemandes. Environ 70 % de tous les vins allemands sont produits dans les vallées de la Moselle et du Rhin, de la Nahe et de l’Ahr ainsi que dans le Palatinat et en Hesse Rhénane.

Propos recueillis par Jean-Louis PIERRE
(1) Travailler en Allemagne et vivre en France