François Sauvadet « extrêmement préoccupé par la région »

Six mois après les élections régionales, quel bilan dressez-vous de la gouvernance de la présidente socialiste Marie-Guite Dufay ?
Le temps des élections est passé. Je ne suis pas dans une posture de revanche mais je suis extrêmement préoccupé. Je pensais très honnêtement que Mme Dufay qui était jusqu’alors présidente de la région Franche-Comté avait une vision de l’avenir. Ne nous avait-elle pas dit avoir travaillé la fusion avec François Patriat ? Franchement, que s’est-il passé ? Rien ! Je constate une impréparation la plus totale, une absence de prise de décisions. Le départ récent de son vice-président en charge de l’économie, M. Sommer qui était présenté comme une clé de voûte de l’équipe, m’interpelle.
Dans les relations avec les départements, on aurait pu s’attendre à une vraie vision sur les transports interurbains, scolaires… Rien ! Mme Dufay en est encore à organiser des cafés-débats pour discuter de la politique qui va être conduite. Elle nous dit qu’elle présentera à la fin de l’année son projet de mandature. Un projet qui aurait du être présenté pendant les élections. Je ne comprends pas ce mécanisme.
Quant aux prises de décisions, elles sont stupéfiantes. Quand on est dans une région avec une industrie automobile puissante, on ne met pas aux taquets la carte grise. On est passé de 36 à 51 €.

La répartition des rôles entre Dijon et Besançon semble très difficile à trancher. Vous président qu'auriez-vous fait ?
J’ai une grande ambition pour cette région. Je l’ai toujours. Je ne l’ai pas perdue. Aujourd’hui, on en est à se partager des rôles dans une répartition qui ne satisfera personne et qui va conduire notre région à un véritable affaiblissement. L’enjeu n’était pas de choisir entre Dijon et Besançon. J’avais proposé que chaque ancienne capitale régionale puisse jouer pleinement son rôle. On a la chance avec la Franche-Comté d’avoir une façade vers l’est avec notamment un pôle transfrontalier extrêmement important pour l’avenir et le développement économique de nos deux régions. Je souhaitais que Besançon devienne le centre européen de la grande région et d’en faire un pôle de développement industriel en y concentrant les moyens. Et puis faire de Dijon la capitale administrative. Dès lors, il était naturel que le siège de la région soit ici. A quoi rime un siège à Besançon quand on sait qu’on ne peut même pas s’y réunir. Chacun pouvait trouver sa place et avoir une ambition commune. Au lieu de cela, la rivalité continue entre les deux villes. Tout le monde crie victoire et ne voit pas l’essentiel à savoir l’affaiblissement de la région. A l’époque, je dénonçais cette politique « petit bras »… On voit ce qui se passe aujourd’hui.

Pour quelles raisons êtes-vous la cible systématique du Front national dans les sessions du conseil régional ?
(Sourires)… Depuis qu’elle est chargée de la cause animale au sein du Front national, Mme Montel semble s’intéresser beaucoup plus aux oppositions multiples et variées. Je ne sais pas à quoi ça correspond. Je lui ai dit récemment « Mme Montel, lâchez-moi la grappe, ça ne sert à rien, je ne suis pas président de région ». Plus sérieusement, on voit bien qu’il y a une collusion évidente entre les socialistes au pouvoir et le front national. Et puis tout ce qui peut incarner un pouvoir politique devient une cible privilégiée.

François Hollande a annoncé plusieurs mesures destinées à assouplir les contraintes budgétaires locales. La baisse des dotations aux communes et intercommunalités passerait de deux à un milliard d'euros en 2017. C'est plutôt une bonne nouvelle...
Je me souviens tout particulièrement des engagements qui avaient été pris par François Hollande à Dijon : « Moi président, je ne baisserai pas les dotations des collectivités »…
Ce sera un ralentissement de la baisse mais il y a une baisse. Par contre les départements n’ont bénéficié d’aucun allègement de la baisse drastique de leurs dotations. Pour la Côte-d’Or, cela représente tout de même 63 millions d’euros sur quatre ans. C’est quasiment l’équivalent d’une année d’investissements. J’appelle le gouvernement à la responsabilité. On ne peut pas dans cette période de crise taper ainsi dans les caisses des collectivités territoriales.

Ces contraintes budgétaires vous amènent à faire des efforts financiers. Quels sont les secteurs sur lesquels vous réduisez la voilure ?
Nous avons fait le choix de préserver l’investissement parce que les entreprises en ont besoin. Pour cela, nous avons fait des efforts considérables de gestion. Nous avons réorganisé nos services sans mettre en cause la présence territoriale à laquelle je suis très attaché. Nous sommes passés de 6 à 2 directions générales adjointes. Et vous noterez que le contribuable n’a rien supporté : depuis 3 ans il y a eu 0 % d’augmentation de la pression fiscale.

Votre majorité au sein du conseil départemental n'est pas aussi soudée qu'auparavant. Comment expliquez-vous cette situation et que faites-vous pour apaiser les tensions apparues notamment au sein des Républicains ?
Où avez-vous vu des tensions ? Dans le Département tout va bien. Chacun a conscience de ses responsabilités. Tous les votes sont unanimes. La majorité est unie. Je souhaiterais d’ailleurs qu’elle le soit davantage à Dijon et au Grand Dijon

Vos relations ont été difficiles ces mois derniers avec François Rebsamen, maire de Dijon et président du Grand Dijon. Envisagez-vous de jouer la carte de l'apaisement ?
Ma main est tendue et la porte est ouverte.
François Rebsamen est en permanence dans le rapport de force. C’est « je décide et vous exécutez ». Je souhaite un véritable dialogue. Oui à la cité de la gastronomie mais quelles relations avec la cité des vins ? Oui Dijon doit continuer son développement de grande cité mais le Département n’est pas là pour être le banquier de ses rêves. Je souhaite que François Rebsamen regarde le Département comme un véritable partenaire. Je rappelle que nous avons investi considérablement sur la ville aussi bien sur le tram, la piscine olympique, le stade Gaston-Gérard dont nous avons participé au financement et pour lequel François Rebsamen a refusé que l’on donne le nom « Côte-d’Or » à une des tribunes. C’est une pratique politique d’un autre âge. Je l’invite à se projeter dans le 21e siècle.

Les Républicains ont validé l'investiture de quatre candidats sur les cinq circonscription de Côte-d'Or. La 4e, votre circonscription, ne verra pas de candidat(e) officiel(le) postuler. Est-ce le fruit d'un accord ? L'UDI sera-t-elle présente sur les autres circonscriptions ?
Je suis un fervent partisan de l’union. Nous avons gagné les élections cantonales, des villes là où nous étions unis. Je souhaite que cet esprit prévale pour les législatives. J’y travaillerai. Il y a un débat chez les Républicains. Cela ne m’a pas échappé. Les discussions solides et sérieuses s’engageront après la primaire avec l’UDI, le centre droit, les divers droite.

Vous n'avez toujours pas démissionné de votre mandat de député alors que vous l'aviez promis avant les élections régionales. Quelles sont les raisons qui motivent cette position ?
Il y a eu des recours qui ont été déposés -y compris par le front national qui appelle à ma démission- après l’élection de Mme Dufay pour lesquels le Conseil d’Etat doit se prononcer. S’il advenait que les élections régionales soient remises en cause, je ne serai pas en position de cumul de mandats. Si les élections sont confirmées, j’aurai un mois pour annoncer ma décision. Je l’ai dit, je démissionnerai. Je soutiendrai le moment venu Charles Barrière, le député suppléant.
Je veux me consacrer à la région et au département de la Côte-d’Or qui est ma terre et ma passion. J’ai pris des engagements devant les Côte-d’oriens, je les respecterai.

Quel candidat souhaitez-vous soutenir pour la prochaine élection présidentielle ?
Je garde une profonde amitié pour Nicolas Sarkozy. J’ai été son ministre. Je me prononcerai dès lors que l’ensemble des candidatures à la primaire sera validée.

Propos recueillis par Jean-Louis PIERRE