Que les amoureux de Molière me suivent ! Oyez bonnes gens, ces vers du grand Bonhomme dans la réplique de Tartuffe à la servante Dorine : « Couvrez ce sein que je ne saurais voir. Par de pareils objets, les âmes sont blessées. Et cela fait venir de coupables pensées. »
Pardonnez-moi d’aborder l’éternel et jamais assouvi dilemme des tentations de la chair. A qui la faute, la très grande faute ? A Denis Baupin, le dernier Vert-Galant en date des matadors politiques. Certes, personne ne prend sa défense pour des agissements – jusqu’ici présumés en attendant que justice se passe. N’empêche, certains émettent des bémols quant aux motivations réelles qui ont conduit Mediapart à porter ces actes de harcèlement sexuel à la connaissance du public. La dénonciation ne correspond-t-elle pas opportunément à une stratégie politicienne ? Petit rébus au détour : qui tire bénéfice de ce pâle remake des assauts d’un Henri IV, d’un Louis XIII, d’un DSK ?
Offrons-nous l’opportunité d’analyser les clans en présence dans l’arène ou les fosses d’orchestre de notre Res Publica. Bien des questions brûlent les lèvres. Pourquoi dix-sept femmes ministres ont-elles tant tardé à lancer une pétition contre le harcèlement sexuel en politique ? Pourquoi n’ont-elles pas agi auparavant, alors qu’elles sont dans les états-majors ou occupent des postes-clefs depuis belle lurette? Sonner l’hallali au moment où la bête est pourchassée par toute la meute tous sexes confondus, ça manque un peu de panache, non ?
Saperlipopette ! C’est à se demander à quoi rime cette sacro-sainte Journée Internationale de la femme, célébrée par nos élues tous les 8 mars à l’Assemblée Nationale, au Sénat et sur tous les médias ? Nos 17 élues n’auraient-elles pas pu saisir maintes fois l’occasion de faire le point sur les luttes féminines urbi et orbi, préparant ainsi l’avenir et les opportunités qui attendent les futures générations de femmes ?
Sans céder à un jeu de mots salaces, Baupin s’est taillé une réputation dans la lutte contre le… réchauffement climatique, depuis au moins 20 ans. Diantre, Baupin fut même un temps le conseiller politique de Dominique Voynet au ministère de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire! Or, ladite Dominique Voynet n’est pas la dernière à figurer parmi les signataires du retentissant « Nous ne nous tairons plus » … Est-ce à dire que la dame a manqué de lucidité ? Ou fut frappée à l’époque d’une surdité fort opportune ? Est-ce à dire que ces dix-sept responsables politiques, connues pour leur caractère bien trempé et leur aisance à se mouvoir dans les rouages du pouvoir, se sont comportées longtemps en copiées-collées des cercles politiques masculins, ne prêtant qu’une oreille condescendante aux accusations portées par des collaboratrices subalternes ? Que restera-t-il de cet omerta, en dépit de l’actuel faisceau de deux /trois pistes « anti-sexisme » avancées par nos 17 pétroleuses, qui carburent au supermédia ?
Par ma profession de journaliste, j’ai côtoyé le monde politique. Rassurez-vous, on n’y perd pas obligatoirement sa vertu ! C’est un univers qui n’est ni pire ni meilleur que toutes les autres sphères en haut d’une hiérarchie qu’elle soit d’ordre social, politique, patronal, syndical ou – mais oui, mais oui – culturel. Il y aurait beaucoup à dire sur la complicité silencieuse de tous ces mâles courtisans, de certaines « conseillères » ribaudes et girondes, qui hantent ce que j’appelle par dérision « les écuries présidentielles », et ne justifient -pour une bonne part – leurs très confortables émoluments qu’en devançant les désirs inavouables ou à demi-avoués du chef, du patron, du leader, de l’élu.
J’ai en tête un journaliste de grand talent par ailleurs, aujourd’hui disparu, épris de belles lettres, l’esprit mariné à la philosophie du Siècle des Lumières. A 70 ans passés, il pouvait se montrer si insistant, si inélégamment « lourd » auprès de certaines collègues plus jeunes… L’homme avait une telle réputation d’humaniste, qu’évoquer un de ses débordements devant des tiers ne suscitait qu’incrédibilité générale : « T’es sûre de ce que tu dis ? J’y crois pas. Il a tout de même interviewé les plus grands chefs d’orchestre du monde ! »
Voilà pourquoi j’ai une pensée émue pour toutes les vendeuses, employées communales, ouvrières, femmes de ménage en but au harcèlement sexuel. Toujours victimes condamnées au silence, du fait de leur précarité d’emploi, du fait de la lâcheté d’un environnement au travail peu enclin à partir en croisade contre le maire d’une commune, contre un responsable de rayon, un chef d’atelier, un cadre supérieur! Une caisse de super marché n’est jamais une caisse de … résonnance et encore moins une tribune politique.
Alors, mesdames les élues, un peu de courage, et pas seulement quand tout le monde crie au loup. Surtout dès lors qu’on l’a sorti de la bergerie.
Marie France POIRIER