Le Larousse donne deux définitions du mot banquier : la première est « personne dont la profession est de diriger, administrer ou gérer une banque ou un établissement de crédit », ce qui est sans surprise. La seconde est « personne qui tient le jeu contre les autres joueurs ». Utiliser le même mot pour celui qui est censé gérer notre argent et celui qui nous plume au casino, voici qui n’est guère rassurant. Et je flaire quelque chose de louche quand mon banquier m’écrit pour m’informer de la « protection des dépôts », au cas où j’aurais quelques inquiétudes sur le sort réservé à mes économies… De quoi s’agit-il ?
Mon banquier m’explique : « Si un dépôt est indisponible parce qu’un établissement de crédit n’est pas en mesure d’honorer ses obligations financières, les déposants sont indemnisés par un système de garantie des dépôts. L’indemnité est plafonnée à 100 000 € par personne et par établissement de crédit ». Bon, n’étant pas encore assez riche pour rentrer dans ce cadre, je pousse un ouf de soulagement. Quoique… Qui me dit qu’un jour ce plafond d’indemnisation par le Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution (FGDR) ne sera pas abaissé à 50000, 30000 ou même 10000 € ? Car, sans rire, il nous est bien précisé que « la garantie des dépôts en protégeant les déposants contribue à entretenir la confiance et à assurer la stabilité du système bancaire ». Cher banquier, si vous arrêtiez un peu de nous prendre pour des blaireaux ? La confiance, c’est nous qui vous l’accordons en déposant chez vous nos revenus et nos maigres économies si nous en avons ; quant à la stabilité du système bancaire, permettez-moi de vous dire que ce n’est pas le quidam lambda qui la met en péril, mais bien vos acrobaties de prêts pour lesquels votre imagination est sans limites. N’est-ce pas vous qui prêtez l’argent de vos clients particuliers à des états fauchés pour qu’ils puissent à leur tour prêter à d’autres états ruinés et réciproquement ? Je rappelle ici que la dette mondiale, grâce à laquelle vous vivez tous grassement d’agios et autres commissions, se monte à quelque 200000 milliards de dollars, soit 286% du PIB mondial (étude McKinsey Global Institute du 05/02/2015). N’importe qui comprend à la vue de ces chiffres astronomiques que ça ne pourra pas durer longtemps… Alors, en cas de crash économique mondial, vous avez élaboré une astuce pour vaguement rassurer les déposants, à savoir plafonner le montant sécurisé et vous autoriser – le cas échéant – à vous servir des sommes au-dessus dudit plafond pour éponger vos errements. Ça s’appelle limiter la casse, du moins pour vous.
Quand je dis « vous », ce n’est pas tout à fait exact car, soucieux de votre image, vous avez fait du lobbying auprès de Bruxelles qui, trop heureux de trouver une solution pour que ce système fou perdure, s’est empressé de « pondre » la directive DSD2 le 16/04/2014, laquelle a été rapidement transposée dans le droit français depuis fin 2015 et est assortie de 5 arrêtés d’application publiés en date du 27/10/2015. Cette directive nous est présentée comme une avancée vers la sécurisation de nos dépôts en… les plafonnant ! Extraordinaire, n’est-ce pas ! Et il faudrait qu’on vous remercie sans doute ?
En fait, c’est un peu comme lancer une pièce en l’air en nous disant « face je gagne, pile tu perds ». En termes pudiques, vous parlez de « défaillance d’un établissement de crédit », alors qu’il s’agirait d’une faillite pure et simple due à votre impéritie que le Larousse, encore lui, définit comme « l’incapacité dans l’exercice de sa profession ou de ses fonctions ». A qui voulez-vous faire croire qu’en cas de faillite d’une grande banque, nous pourrions aller ouvrir sans souci un compte dans une autre banque pour y recevoir l’argent garanti mais plafonné que nous verserait le FGDR en monnaie de singe ? Pragmatiques et voulant être rassurants, vous précisez que ce plafond ne s’applique que par personne et par établissement de crédit, ce qui signifie qu’il nous suffirait d’avoir 2 ou 3 banques différentes pour que ce plafond soit multiplié par 2 ou 3. Merveilleux ! Si, d’aventure, je venais à remporter un jackpot de 75 millions à l’Euromillion, il me suffirait d’ouvrir un compte dans 750 banques différentes pour dormir tranquille. Allo banquier dis-moi, Panama c’est loin ?
« Mon ennemi c’est la finance » ai-je entendu quelque part. C’est sans doute en vertu de ce combat que notre gouvernement en place a entériné le plus discrètement du monde cette satanée directive DSD2, laquelle vient de transformer un banquier présumé honnête, même si incompétent, en un voyou légal. Car appeler des déposants non actionnaires en comblement de passif à l’insu de leur plein gré ne peut être que le fait de voyous, que le Larousse, décidément mon ouvrage de référence pour ce Cactus, définit comme un « individu de mœurs crapuleuses, qui fait partie du milieu ».
Ainsi va le monde de la finance internationale et le tout se fait, passez muscade, sans la moindre vague, sans la moindre protestation, alors que le sujet est infiniment plus crucial que la désormais trop fameuse loi Travail. Pour le moment, je dors tranquille, je reste zen, mon plus gros gain à l’Euromillion n’a été que de 9,40 €…
Jean-Pierre COLLARD