David Liot, directeur des Musées et du Patrimoine, quelles sont les contraintes majeures d’un chantier comme celui du MBA qui dispose d’un écrin princier ?
David Liot : « Avant d’évoquer les contraintes, je voudrais parler du potentiel. Cette rénovation est parlante, importante symboliquement par rapport à la grande histoire de Dijon et de son territoire. Ces échafaudages monumentaux qui s’installent rappellent l’importance du palais des Ducs et nous obligent à réfléchir au musée et à son histoire prestigieuse. La valorisation des palissades va apporter des éléments d’information sur ce chantier exceptionnel et ses coulisses infinies et toujours passionnantes. Aussi, ce chantier est une vraie chance : énormément de corps de métier sont concernés et travaillent en commun . Ils s’affairent autour de l’œuvre d’art total qu’est le Musée des Beaux Arts. En ce qui concerne les collections, depuis le mois de septembre, nous avons vécu des moments rares, notamment le déménagement des œuvres. Nous avons pu voir des œuvres monumentales passées à travers des fenêtres ou des portes, transportées jusqu’aux réserves externalisées. Elles vont pouvoir renaître, être restaurées. Derrière ce travail, il y a la remise en valeur du patrimoine dijonnais qui méritait d’être valorisé. La restauration, c’est un moment fort pour mieux comprendre les œuvres, les collections au sens large et leurs secrets. Je souhaite faire partager ces découvertes ! »
En 2019, quel nouveau musée vont pouvoir découvrir les visiteurs ?
D. L. : « Nous bénéficierons de 65 salles : certaines seront dédiées à l’art moderne et contemporain. Nous ferons en sorte que le public se sente libre de parcourir le musée comme il le souhaite. Nous avons bien conscience que les visiteurs ne chercheront pas à parcourir les 65 salles dans la foulée. C’est un musée universaliste qui s’est créé à la veille de la Révolution française et qui permet de multiples et inattendus parcours. Nous disposons en réalité de plusieurs musées en un : un très grand musée du Moyen-Age, un très beau musée d’art ancien, un musée du XIXe siècle et un musée inédit d’art moderne… tout cela dans le palais des Ducs. Ces boîtes dans la boîte vont favoriser cette liberté de parcours… »
Il ne manque donc plus que le tableau d’Eugène Delacroix, La Liberté guidant le peuple à Dijon et ce serait parfait…
D. L. : « Le musée du Louvre- Lens l’a déjà fait venir de Paris… mais bien sûr des oeuvres des grands musées parisiens complèteront nos richesses ».
Mais revenons au MBA. Quelle est la contrainte majeure dans cette rénovation d’envergure ?
D. L. : « La contrainte réside dans le fait que nous avons à respecter l’histoire du palais. La liberté que j’évoquais précédemment doit faire sens et ne doit pas perturber la stratigraphie du palais. Nous avons plusieurs musées en un et en même temps plusieurs époques architecturales imbriquées les unes dans les autres. C’est un chantier complexe… C’est à la fois une contrainte et là aussi une chance puisque nous sommes tout de même sur plusieurs siècles ! Le choix fort a été de maintenir ouvertes les salles médiévales de la première étape de la rénovation durant ce chantier. Les usagers pourront ainsi toujours contempler les « Joconde » dijonnaises et les célèbres Tombeaux des Ducs reconnus jusqu’aux Etats Unis, après le parcours des Pleurants ».
Tout comme en 2010 l’opération Must’Art, des œuvres que vous avez déménagées pourraient-elles s’envoler vers d’autres cieux ?
D. L. : « Nous sommes en train de réfléchir à des expositions itinérantes. C’est un chantier colossal, de par la volonté forte du maire, qui démarre vite. Un projet pourrait voir le jour concernant les œuvres du Moyen-Age mais il encore trop tôt pour en parler. Je suis très favorable à ce que des œuvres circulent. C’est une chance là-aussi : nous pouvons rendre nos collections ambassadrices du nouveau Musée et de Dijon à l’international ».
Vous êtes à la tête de la direction des Musées et du patrimoine. Le MBA est ainsi un élément parmi d’autres…
D. L. : « Cette direction nous renvoie à la question du dépassement des frontières patrimoniales entre musées. Nous avons à réfléchir à l’essence culturelle de Dijon tant au niveau de ses collections que de ses architectures. La spécificité des musées dijonnais, c’est leur dialogue avec le territoire. Les espaces rénovés du MBA sont ouverts à la ville historique. Il en est de même pour les autres musées. Ils sont ouverts à Dijon, à la Côte-d’Or, voire plus loin. C’est ce récit-là qu’il nous faut rendre lisible. Dijon est un foyer des arts depuis l’époque gallo-romaine et depuis celle fastueuse des Ducs. Cette direction des Musées suggère un musée de territoire qui dépasserait les cloisonnements vécus à l’heure actuelle. Elle favorisera de vrais et inédits parcours dans la ville. Le palais des Ducs est certes un socle incontournable mais, en écho, les richesses sont multiples à tous niveaux. Allons découvrir le médiéval autrement au Musée archéologique ! Nous sommes engagés dans un projet atypique, rare et stimulant à l’échelle nationale. N’oublions pas non plus qu’à Dijon le dialogue entre patrimoines matériels et immatériels fait sens. La Gastronomie, c’est de l’immatériel récemment inscrit à l’Unesco qui nous concerne. Tout entre en correspondance : nous sommes réellement dans une démarche de transversalité ! »
Propos recueillis par Xavier Grizot