Conférence le lundi 6 juin à 18 heures à Sciences Po Dijon, avenue Victor Hugo.
Il y a bien un mystère Vermeer. Des mystères Vermeer . Le premier d’entre eux réside dans la longue éclipse dont a été la victime une œuvre aussi importante et reconnue comme telle en son temps , éclipse de près de deux siècles .
Le second mystère : Vermeer peint peu. En 22 ans de 1653 à 1675, le peintre de Delft a peint entre 45 et 60 tableaux ( 34 ou 35 nous sont parvenus ) soit entre 2 et 3 tableaux par an Rapportée à celle de ses collègues hollandais, sa production était étonnamment réduite ce qui constitue certainement un des traits originaux de sa pratique .
Mais si mystère il y a chez Vermeer, celui-ci n’est ni une énigme, ni un secret. Le mystère qui caractérise le travail et les tableaux de Vermeer n’est pas seulement une qualité d’ordre poétique due notamment à l’exceptionnelle lumière qui en émane, c’est une ambition de l’œuvre construite par le peintre dans ses toiles pour que celles-ci exercent leur plein effet sur ceux qui regardent… Ce mystère n’est pas non plus un caprice du peintre. Il répond aux conditions dans lesquelles Vermeer a exercé la peinture : en élaborant de façon personnelle la langue commune des peintres de son temps, Vermeer exprime une position par rapport à des enjeux très contemporains – qu’ils soient d’ordre purement artistique (statut intellectuel et de la théorie de la peinture en Hollande au milieu du XVIIe siècle) ou plus généralement politique et religieux.
Le tableau dans le tableau
Vermeer n’est plus cet artiste « à jamais inconnu » qui a fasciné Proust . On connait mieux maintenant les conditions concrètes de sa vie et de sa pratique artistiques. Ce que nous savons de source sûre de la vie de Vermeer nous éclaire sur son travail. De même qu’il participe très peu à l’activité sociale ordinaire de son temps, de même sa peinture d’intérieur ne laisse rien transparaître de ce qu’était la vie à l’intérieur de la maison familiale où il avait à l’étage son atelier. Pour lui cette peinture de genre est surtout une « peinture intérieure » menée et méditée à l’écart des intérieurs où elle se pratique et qu’elle représente .
L’analyse de la pratique picturale de Vermeer sera abordée à travers quelques toiles emblématiques mais aussi par l’intermédiaire des tableaux qu’il a peints à l’intérieur de ses propres tableaux. Dans la peinture hollandaise du XVIIe siècle, la pratique du « tableau dans le tableau » est courante, et même banale. Evoquant le décor réel des intérieurs hollandais de l’époque, ces tableaux dans le tableau permettent de développer des allusions iconographiques au travers desquelles s’effectue une « moralisation » de la scène principale. Vermeer en fait un usage particulier.
René Petit et Pierre Pertus vous inviteront, par ailleurs , à identifier les choix dominants qu’opère le peintre dans l’organisation de sa surface pictural entre la recherche d’un effet de surface et une suggestion tout aussi élaborée et raffinée d’un espace tridimensionnel. Vermeer était célèbre en son temps pour les qualités de traitement de ses perspectives mais aussi pour un usage original de la camera obscura d’une utilisation si courante depuis le XIVe siècle.
Pour finir de manière plus anecdotique mais non moins intéressante, vous verrez ce que les toiles de Vermeer révèlent de la nature des échanges commerciaux entre les Pays-Bas et la Chine notamment au XVIIe siècle .
La rédaction