» Le diagnostic est tombé, c’est un cancer du sein ! toute une stratégie thérapeutique va être mise en place avec à la clé l’ablation de ce qui est symbole de ma féminité. Est-ce que je vais survivre à cette maladie grave et mutilante, c’est bien le miroir de ma féminité brisée… »
La confrontation à la mort, en démantelant l’identité personnelle, en épurant les relations routinières, est une traversée du tunnel qui aboutit parfois au meilleur, lorsque l’individu prend conscience de ses pesanteurs anciennes et modifie son existence en fonction de ce que lui a appris d’essentiel sa maladie. Le cancer du sein n’échappe pas à ce constat, donnant parfois à la femme, une conscience élargie de sa puissance à vivre.
Il est évident que, durant certaines phases et processus de la maladie, la question de la sexualité n’est pas importante parce que, face à un avenir plus qu’incertain, la maladie a bien d’autres sujets de préoccupation. Cependant, la question de la sexualité se pose pour tous les patients qui ont terminé une thérapie fatigante et recouvré leur santé. Avec le retour à la « normalité », beaucoup de patients sont confrontés au retour à la sexualité, soit du fait de leurs propres désirs et besoins, soit du fait des attentes de leur partenaire.
Les effets de traitements du cancer sur la sexualité sont variables d’une femme à l’autre. Certains troubles sont temporaires, d’autres définitifs. Une étude valide l’hypothèse du bénéfice de la reconstruction immédiate du sein suite à une mammectomie sur la reconstruction différée concernant l’atteinte de l’image corporelle et l’intérêt pour la sexualité.
Chez la femme, la crainte de ne plus pouvoir satisfaire son partenaire peut favoriser un sentiment de culpabilité et interférer avec l’expression de son désir. La modification de l’image de soi ou de l’image corporelle peut être à l’origine des perturbations entraînant là aussi une réduction ou un arrêt de l’activité sexuelle.
Prendre pleinement conscience d’être femme malgré la cicatrice laissée par le cancer du sein est un cheminement que toutes ne pourront pas faire dans l’immédiateté de la reconstruction de l’être. Le temps et l’apport d’une prise en charge seront alors là pour leur venir en aide. Il peut être bénéfique pour ces femmes de s’entretenir avec un médecin de leurs troubles, de clarifier les incompréhensions. Le médecin pourra évaluer le potentiel érotique restant de la femme et sa capacité au changement.
Comment se retrouver face à soi, face aux autres, dans une sexualité satisfaisante, après avoir été transformée par la maladie ? Malgré le tabou des sujets cancer et sexualité, un état des lieux peut être établi, afin de pouvoir, pour celles qui en ont l’envie et la capacité, retrouver la fonction érotique ou au moins de les aider à répondre à la question « Qu’est-ce qui me fait femme aujourd’hui ? ».
Docteur Dany Jawhari
Médecin sexologue à Dijon
Secrétaire Général Adjoint de la Société Francophone de Médecine Sexuelle