Cure… d’amaigrissement. C’est bien ce qui devrait apparaître sur l’ordonnance délivrée par le spécialiste… financier qu’est le cabinet KPMG mandaté par l’ARS (Agence régionale de santé) et la direction du centre hospitalier de la Chartreuse depuis le début de l’année 2016 pour tenter de trouver des solutions pour redresser les comptes de l’établissement psychiatrique dijonnais.
La langue française a beau être riche, il n’empêche que « l’audit et l’accompagnement à la rédaction d’un contrat de performance des organisations » (sic) est l’arbre qui cache la forêt. Le bilan financier de la Chartreuse glisse un peu plus dans le rouge chaque année même si le directeur, Bruno Madelpuech, se veut rassurant : « L’élaboration de notre contrat de performance intègre une problématique centrale qui devient une évidence pour nos réflexions internes : nous devons redimensionner l’intra-hospitalier pour ensuite renforcer l’extra hospitalier ».
Un « excellent diagnostic » que souligne bon nombre de salariés de la Chartreuse toutefois agacés par le fait que KPMG les désigne sous un autre vocable celui d’« équivalents temps plein »… Dans un secteur aussi sensible que la santé mentale, est-il bon de désigner ainsi les personnels soignants qui travaillent sur des pathologies très sensibles et dont on ne mesure pas forcément la souffrance et la douleur ? D’autant que la maladie mentale est quelque chose de très répandu qui n’épargne personne. Les études épidémiologiques ne montrent-elles pas que plus de 20 % de la population présente à un moment de sa vie un trouble mental. Reste à définir ce que l’on entend par trouble mental ? Et sur ce terrain, il n’est pas certain que les « spécialistes » financiers aient la même définition que les soignants.
D’où cette autre question qui taraude le personnel : le « diagnostic » avancé par le directeur nécessitait-il la dépense d’une centaine de milliers d’euros pour réaliser cet audit ?
« On doit penser que la pilule est plus facile à avaler quand ce sont des personnes extérieures à l’établissement qui l’affirment » explique cet infirmier proche de la retraite, quelque peu désabusé, qui reconnaît au passage que le syndicat auquel il adhérait encore jusqu’à l’année dernière « est à des années lumière de la réalité ».
Bruno Madelpuech, lui, fait confiance à la posologie qui se dessine : « La réorganisation de l’offre d’hospitalisation complète est, nous en avons conscience, l’élément clé de notre démarche de restructuration et de nos processus de décision. Plusieurs pistes sont à approfondir : la différenciation des modes de prise en charge (géronto-psychiatrie, jeunes adultes…), la dimension interpôlaire de ces structures, la taille des unités ».
Concrètement, comment traduire ces propos d’initiés qui fleurent bon la naphtaline administrative ?
Il n’y aura pas d’amputation immédiate mais une diminution progressive des postes. Pas de licenciement donc mais les CDD ne seront pas renouvelés et les départs en retraite ne seront pas compensés. Pour faire face à cette réduction dans le temps des effectifs, il y aura de façon concomitante disparition d’une cinquantaine de lits au sein même de l’établissement. On parle même de la suppression de trois unités d’hospitalisation complète de psychiatrie générale sur les douze que compte la Chartreuse.
Pour donner le change, on évoque « une restructuration de l’offre de soins psy permettant un renforcement significatif de l’offre de proximité avec une plus forte complémentarité entre l’intra et l’extra hospitalier ». Ce dernier pourrait donc sortir « vitaminé » de cette cure d’amaigrissement sauf que la fusion des structures Dijon-Nord et Dijon-Sud est préconisée avec l’ouverture d’un hôpital de jour qui serait implanté sur la Toison d’Or où la Chartreuse est propriétaire de locaux qu’il conviendrait donc de réadapter. En même temps, sur le péri-urbain, la tendance est au regroupement des structures extra-hospitalières de Longvic, Quetigny et Chenôve sur un même lieu qui ne facilitera pas forcément les déplacements des patients dont certains passeraient plus d’une heure dans les transports en commun pour les consultations, les soins et le suivi de leur pathologie. Ce qui pose également le problème de la sectorisation clairement défini par la loi. Sans compter que les élus des communes concernées pourraient monter au créneau pour protéger les structures qu’ils abritent dans leurs communes.
On le voit, rien n’est simple dans le monde de la psychiatrie. D’ici à ce qu’on marche sur la tête… surtout quand les aspects financiers compliquent la donne. Affaire à suivre…
Pierre SOLAINJEU