Laurent Grandguillaume : « Le temps des inventaires puis le temps des inventions ! »

Le député socialiste de la 1re circonscription publie aux Éditions du Moment un ouvrage intitulé La gauche a perdu sa boussole, offrons lui un GPS ! Un livre qui foisonne de propositions nouvelles, notamment une 3e voie où les progrès technologiques seraient mis au service de la justice sociale, afin que « la gauche se conjugue encore au futur ». Interview de Laurent Grandguillaume qui évoque le présent mais aussi l’avenir…

Vous effectuez un tour de France des entreprises et de l’emploi. Quel est le visage de « la France des solutions » que vous préconisez ?

Laurent Grandguillaume : « Au-delà de ce que je fais en Côte-d’Or, si j’ai réalisé ce tour de France, c’est pour me rendre compte de toutes les expérimentations menées, qu’elles émanent des entreprises, des collectivités ou des associations. J’ai, notamment, rencontré Patrick Valentin d’ATD Quart Monde afin que germe l’idée des territoires 0 chômage longue durée. D’où la proposition de loi qui a été votée à l’unanimité et promulguée. Les inventivités, les innovations, les énergies sont nombreuses mais nous avons tendance dans notre pays à imposer des solutions qui s’appliqueraient de manière identique alors qu’elles sont différentes en fonction des territoires. Il faut distinguer les politiques par rapport aux besoins et aux acteurs locaux en capacité de les mettre en place. C’est comme cela que nous aurons des solutions durables. Des innovations locales ont parfois seulement besoin d’un coup de pouce. L’on raisonne toujours sur le coût de tel ou tel dispositif mais jamais au niveau du coût évité par un dispositif. Celui-ci s’appuyant sur une inventivité existante, il reviendrait beaucoup moins cher à la société ».

Pensez-vous, comme le président François Hollande l’a déclaré, que « la France va (réellement) mieux » ?

L. G. : « Il y a hélas aujourd’hui deux France : une qui profite de la mondialisation et des mutations du numérique, notamment dans les métropoles, et une autre qui est confrontée à ces mutations, à la désindustrialisation qui a frappé notre pays, mais aussi à l’automatisation et à la numérisation. Car le numérique peut créer des emplois dans un secteur mais en supprimer aussi dans d’autres. Sur le terrain, nous n’avons ainsi pas le sentiment d’une situation qui s’améliore. Il faut concentrer les moyens dans les territoires les plus fragiles. Nous nous attaquons prioritairement au chômage de longue durée mais c’est le plus difficile. Pourquoi ? C’est évidemment plus compliqué de retrouver un emploi quand l’on n’a pas travaillé depuis longtemps. C’est un combat de longue haleine ! ».

A la Faculté de médecine Paris-Descartes, lors d’un meeting organisé le 25 avril et intitulé « Hé oh la gauche ! », les membres du gouvernement ont défendu le bilan du président. Est-ce une façon d’en finir avec le Hollande bashing ?

L. G. : « Il y a le temps des inventaires et après le temps des inventions. C’est bien d’avoir fait le bilan lors de cette réunion. La gauche n’a pas suffisamment valorisé ce qu’elle a fait. Nombre de réformes ont été réalisées et certaines mettent du temps à s’appliquer. Là aussi, il faut un discours de vérité. Dans un bilan, il y a toujours des ombres et des lumières, des choses réussies et d’autres non. Un bilan apporte certes de la crédibilité mais il faut surtout continuer les combats à travers de nouvelles idées pour faire société, c’est-à-dire pas seulement vivre ensemble mais faire ensemble ».

Ce meeting comptait un grand absent : Emmanuel Macron, qui, lui, s’est déclaré « ni de gauche ni de droite ». Pourra-t-on un jour vous voir « marcher » à ses côtés ?

L. G. : « Quand l’on marche, il faut savoir où l’on va ! Quand l’on sait d’où l’on vient, l’on sait après où l’on va… Moi, je suis socialiste, pour autant je peux être d’accord avec des personnes de droite lorsque les idées sont intéressantes et intelligentes. Je ne suis pas sectaire. L’on peut dépasser parfois les clivages. Après, se dire ni de droite ni de gauche, je ne comprends pas car le clivage a du sens. Emmanuel Macron est un homme moderne mais peut-être veut-il avec cette formule construire un artifice de communication ».

Dans l’ouvrage que vous venez de publier, vous offrez un GPS à la gauche qui a, selon-vous, « perdu sa boussole ». Croyez-vous encore à l’avenir de la gauche en France ?

L. G. : « La gauche n’a jamais été autant en capacité de résoudre les défis d’aujourd’hui et de demain parce qu’elle peut à la fois accompagner les mutations et protéger les personnes. Nous sommes dans une période où l’on n’a jamais eu autant besoin de régulation. On l’a vu avec les paradis fiscaux et les dérives de la finance. Nous avons besoin aussi de service public quand l’on est confronté au terrorisme. La gauche a les moyens de répondre aux défis qui sont devant nous à condition qu’elle se réinterroge sur les mutations à venir, sur ce qu’elles impliquent et sur les solutions à proposer. C’est le sens de l’ouvrage que j’ai passé un an à rédiger. C’est une contribution que j’espère utile au débat. L’on peut servir à travers les actions que l’on mène, les permanences que l’on tient, notre présence à l’Assemblée mais aussi à travers la réflexion ».

En Autriche, l’extrême droite est sortie largement en tête au 1er tour de la présidentielle. Ne craignez-vous pas la même issue dans un an en France ?

L. G. : « Le problème de l’extrême droite n’est pas que français mais européen. Il faut s’interroger sur le pourquoi de cette résurgence de l’extrême droite dans toute l’Europe. Le moteur de ce vote extrême réside dans la défiance qui provient de différents facteurs : le sentiment des citoyens que le politique est impuissant face aux nouveaux enjeux mais aussi le fait que si, au XXe siècle, il y avait une peur des grands nombres, au XXIe siècle, il y a une peur des petits nombres, autrement dit un débat identitaire dans notre société. C’est ainsi que face à la préférence nationale portée par l’extrême droite, il faut défendre une préférence sociale, la protection des individus par la société. C’est en cela que la gauche doit s’assumer dans son identité pour mener ce combat. L’extrême droite a réussi à imposer dans le débat les 3i : identité, insécurité, immigration. Nous devons être combatifs et construire l’offensive au niveau européen ».

Le président du Grand Dijon, François Rebsamen, a demandé à l’ensemble des acteurs économiques de faire pression sur le conseiller municipal d’opposition LR Emmanuel Bichot pour qu’il retire son recours sur la Cité de la Gastronomie. Lancez-vous le même appel ?

L. G. : « Ce projet n’est pas de gauche ou de droite. C’est un projet d’aménagement, économique, d’attractivité. Il est porté par une municipalité de gauche mais je suis persuadé que les Dijonnais, quelles que soient leurs opinions politiques, ont envie qu’il marche pour notre ville. Il faut que certains puissent dépasser l’opposition systématique pour s’inscrire dans un soutien intelligent à un projet de développement du territoire ».

Certains disent que vos relations avec François Rebsamen ne sont pas au beau fixe. Qu’en est-il réellement ?

L. G. : « Nous nous voyons, nous débattons, nous ne pouvons pas être d’accord sur tout à 100%. Forcément, parfois, nous avons quelques différences sur des positionnements, sur des projets au niveau national. Mais c’est sain ! Vous savez, je ne suis pas toujours d’accord avec les uns et les autres, même avec le président de la République. Il m’est arrivé de ne pas être en phase avec des réformes qu’il porte. Avec François Rebsamen, nous nous sommes toujours dit les choses clairement. Nous avons un dialogue de sincérité, de débat et, travaillant tout deux dans l’intérêt général de Dijon, nous avançons. Il n’y a pas de division même si certains peuvent essayer de le faire croire. C’est en réalité l’unité dans la diversité ! »

Propos recueillis par Xavier GRIZOT