Leonardo Di Caprio, le surdoué

La tentation était grande de vous parler de paysages enneigés, à l’heure hivernale où le dernier film du réalisateur mexicain Alexandro Gonzalez Inarritu, THE REVENANT, surgit sur nos écrans. Une traversée de deux heures et demie, dans les grands espaces de l’Amérique profonde la plus sauvage. Un des films les plus attendus de l’année par un cinéaste magistral, qui n’a peur ni des récits polyphoniques (Amours chiennes, 21 grammes, Babel), ni des grands mouvements de caméra (l’incroyable plan séquence de Birdman). Une filmographie impeccable servie par des acteurs au sommet de leur génie : Sean Penn, Brad Pitt, Benicio Del Toro, Javier Bardem, Michael Keaton … et avec ce dernier opus glacé, nommé douze fois aux Oscars, le surdoué Leonardo Di Caprio, à qui la statuette n’a pas cette fois-ci échappé. Certes, à l’heure où une certaine tendance des Etats-Unis fait la part belle à un Donald Trump, partisan de l’autodéfense, le film est une ode à la loi du talion. Mais nous ne sommes pas chez Inarritu dans un navet « eighties » avec Charles Bronson. Non, THE REVENANT est une véritable expérience cinématographique adaptée d’une histoire vraie, une expédition dans le temps et dans l’espace : le spectateur est transporté en 1823 dans le Dakota du Sud pour combattre le grizzly avec le trappeur Hugh Glass. Homérique.

Si Homère est sans conteste le plus grand des poètes, Mikhaël Hers arrive à s’en rapprocher. La tentation est alors grande de vous parler « mélancolie », tant le deuxième long-métrage du réalisateur de Memory Lane, CE SENTIMENT DE L’ETE, nous livre une petite musique personnelle, douce et réconfortante, malgré le drame de la perte de l’être aimé : un cinéma mélodieux s’installe, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Au milieu de l’été, Sasha qui n’a que trente ans, décède soudainement. Alors qu’ils se connaissent peu, son compagnon Lawrence (Anders Danielsen Lie, l’acteur spleenétique d’Oslo, 31 août) et sa sœur Zoé (la rayonnante Judith Chemla, exceptionnelle dans la saison 4 d’Engrenages) se rapprochent. Ils partagent comme ils peuvent la peine et le poids de l’absence, entre Berlin, Paris et New York. Trois étés, trois villes, le temps de leur retour à la vie, portés par le souvenir de celle qu’ils ont aimée. L’aspérité de la pellicule super 16 mm donne du relief aux images de ce film splendide et impressionniste, tourné en lumière naturelle et transcendé par la bande son pop de David Sztanke. Nostalgique.

Après ces sentiments intenses partagés, peut-être le terme de « pathétique » conviendrait-il au dernier film chroniqué ? Peut-on faire du bon cinéma avec des bons sentiments ? Après avoir vu AMIS PUBLICS, la tentation est grande de répondre définitivement : non ! Mais s’agit-il vraiment encore ici de cinéma ? Le film est une tribune à l’idole des jeunes, Kev Adams, qui en deux films « inoubliables » en 2015 – Les profs 2 et Les nouvelles aventures d’Aladin – a réuni dans les salles obscures la fine fleur des spectateurs adolescents. L’humoriste fait d’ailleurs la une ce mois-ci du magazine branché TECHNIKART avec ce titre : « 24 ans, 13 millions d’entrées, LOL ? » Et c’est vrai qu’on ne rigole plus. Adams s’empare d’un sujet grave pour s’ériger en Robin des banques : il y joue Léo, le grand frère d’un garçon cancéreux dont Léo décide avant qu’il ne soit trop tard de réaliser le rêve, soit d’organiser un braquage. Rien ne fonctionne vraiment dans ce premier long-métrage du journaliste Edouard Pluvieux, aux références indépassables : Heat, Casino, « rien que ça » mais c’est au minimum du second degré ! Seul Vincent Elbaz parvient à donner un peu d’épaisseur à son personnage de flic paternaliste et amoureux contrarié. Il faudra attendre encore un peu pour que Kev Adams réussisse son Tchao Pantin. Edouard Pluvieux n’est pas Claude Berri, quant à Kev Adams, il est encore jeune. On ne peut que leur conseiller d’aller voir Inarritu ou Mikhaël Hers en salle cette semaine. Cela pourrait être … salvateur et formateur.

Raphaël MORETTO

The Revenant, western américain d’Alejandro González Iñárritu avec Leonardo DiCaprio et Tom Hardy.

Ce sentiment de l’été, drame solaire franco-allemand de Mikhaël Hers avec Anders Danielsen Lie et Judith Chemla.

Amis publics, tragi-comédie française d’Edouard Pluvieux avec Kev Adams et Vincent Elbaz.