Amis lecteurs, c’est à un CACTUS délicat auquel je vous convie aujourd’hui et dont l’idée m’est venue en passant sous l’un de ces portiques, désormais inutiles, sur l’autoroute juste après Plombières-lès-Dijon et qui étaient censés mettre en place un nouveau système de péage pour les camions.
On s’en souvient, l’affaire avait fait grand bruit, particulièrement en Bretagne où des « bonnets rouges » ne s’étaient pas gênés pour en incendier quelques uns, marquant ainsi leur opposition à l’une de ces décisions de l’Etat. Question : Qui décide désormais ? Les représentants élus ou les mécontents du moment ?
Voici donc le débat posé : dans une démocratie, les citoyens élisent leurs représentants, charge à ces derniers de gérer en lieu et place des premiers ; c’est simple et devrait, en théorie, fonctionner sans anicroches. Churchill avait une définition quelque peu désabusée : « La démocratie est le pire des régimes, à l’exception de tous les autres déjà essayés dans le passé », ce qui montre bien les limites de cet exercice. Abraham Lincoln en avait une définition plus simple : « La démocratie, c’est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ».
Pour imparfaite qu’elle puisse être, la démocratie est donc le système le plus généralement reconnu et ce dans la majeure partie des pays dits civilisés. Ce système repose sur une notion fondamentale, à savoir que c’est la majorité qui l’emporte sur la minorité, ce qui relève d’une certaine logique mais s’avère compliqué dès lors que les minorités se mettent à faire plus de bruit que les majorités auxquelles elles s’opposent, ce qui est souvent le cas…
Malheureusement, chacun y va désormais de sa propre interprétation du mot démocratie qui est tantôt « directe », tantôt « représentative », tantôt « participative », c’est-à-dire que tout un chacun peut au gré de ses humeurs du moment (souvent changeantes) opter pour une forme ou une autre. Rapidement, on en arrive à une sorte d’« anarchie-démocratico-participative ». Un comble !
Autre exemple : Souvenez-vous du fameux barrage de Sivens qui avait pourtant été voté par des hommes et des femmes dûment élus… Débattu depuis 1969, il est difficile d’affirmer qu’il n’y a pas eu de consultations populaires. C’est en toute transparence que les préfets du Tarn et du Tarn-et-Garonne le jugèrent finalement recevable, signant même la déclaration d’utilité publique (DUP) le 2 octobre 2013. Eh bien, sous la pression de Zadistes plus ou moins anarchistes (avec le drame de la mort de l’un d’entre eux), au final l’Etat a capitulé et ce projet de barrage a bel et bien été suspendu par arrêté préfectoral le 4 décembre 2015, les préfets n’étant pas à un reniement près sur ordre de l’autorité de tutelle. D’aucuns, cherchant à sortir de cet imbroglio, se sont mis à lancer l’idée d’un référendum, sorte d’ultime tour de passe-passe censé donner plus de valeur aux interminables discussions ayant déjà accompagné le projet.
Autre cas, très récent du moins dans son épilogue par un éventuel référendum, le projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes dans la banlieue de Nantes. Lancé en 1963, c’est en 1972 que l’opposition s’est réveillée. Le début des travaux était prévu en 2013. Quelque peu inquiété par des manifestations, le maire de Nantes (de 1989 à 2012), fervent promoteur de cet aéroport – et accessoirement Premier Ministre dès le 15 mai 2012 – s’était donné 6 mois de réflexion supplémentaire et créa une « commission du dialogue », comme si depuis 1963 on n’avait pas assez eu de temps pour dialoguer ! Arrivé au point de blocage que l’on sait et à la faveur d’un remaniement gouvernemental dont on ne sait trop que penser, voici le sort du projet entre les mains du Président actuel qui, bien embarrassé, est allé piocher dans sa trousse à bricolage l’idée d’un référendum, sans que l’on sache à ce jour s’il est bien légal, ni quel serait le périmètre de la population consultée. On notera au passage que les plus zélés défenseurs du référendum sont précisément ceux qui ne l’ont jamais mis en œuvre, mais passons…
Toujours prête à souffler dans le sens du vent, grande connaisseuse des limites de la « bravitude », Marie-Ségolène Royal déclarait le 5 mai 2015 : « L’efficacité des politiques publiques dépend beaucoup de la façon dont sont prises les décisions. Il faut faire davantage confiance à l’intelligence collective des citoyens, écouter tous les points de vue et discuter tous les projets pour construire ensemble l’intérêt général », ce qui est une remarquable façon de ménager la chèvre et le chou. Or, dans les exemples cités précédemment, il me semble que l’Etat a largement donné le temps de l’écoute et de la discussion. Que lui manque-t-il donc pour que la démocratie soit respectée ? Disons le tout net : le courage de décider ! Hélas, en politique, la procrastination est un art qu’il convient de cultiver et l’absence de décision n’est bien souvent qu’une posture destinée à assurer une réélection hasardeuse.
Pour ma modeste part, j’estime que les élus – quel que soit leur bord politique – seraient bien inspirés de prendre leurs responsabilités quand le moment est venu, le recours au référendum pour n’importe quel sujet n’étant pas encore inscrit dans la Constitution. Quant aux administrés que nous sommes, il nous appartient, si nous ne sommes pas satisfaits, de le faire savoir en ne réélisant pas toujours et encore les mêmes décideurs plus prompts à tweeter et soigner leur image qu’à faire ce pour quoi ils ont été élus. Ça s’appelle la démocratie et tout autre système conduit à l’anarchie. Evidemment, vous n’êtes pas obligés de partager mon opinion…