Pépé Joseph : l’Alsace comme si vous y étiez

Les cinéphiles connaissaient « Pépé le Moko », le film français de Julien Duvivier sorti en 1937 avec Jean Gabin. Les amateurs de bonnes tables ont appris à découvrir « Pépé Joseph » avec Franck Schmitt dans le premier rôle.
« J’ai vadrouilé un peu » explique avec modestie Frank Schmitt dont le physique ressemble plus à un baroudeur qu’un concertiste d’orchestre symphonique. Un joli parcours parsemé d’étoiles au guide Michelin qui va l’occuper pendant une quinzaine d’années. Jugez plutôt. D’abord en Alsace, sa région natale : Le Vieux Moulin de Thierry Breininger, à Sarreguemines, La Bonne Auberge, chez Lydia et Isabelle Egloff, à Stiring-Wendel, le Buerehiesel d’Antoine Westerman, à Strasbourg. Puis Paris au Georges V, Londres, au Sketch de Pierre Gagnaire, la Suisse chez Roland Pierroz, à Verbier, puis chez Carlo Crisci à Cossonay, près de Lausanne, Montpellier, enfin, au Jardin des sens… De quoi bâtir une formation exceptionnelle et une belle réputation. De quoi faire saliver les gastronomes les plus exigeants.
Et puis vient l’appel du large. Irrésistible. Un projet à l’étranger prend forme mais il ne trouve pas sa concrétisation. Les aléas de la vie. Et c’est comme ça qu’on retrouve Franck Schmitt aux fourneaux du Castel de Très Girard, à Morey-saint-Denis. Il y restera 5 ans.
Travailler pour les autres, c’est bien. Travailler pour soi, c’est mieux. Légitimement, Franck Schmitt pense qu’il est temps de s’installer à son compte. Ouvrir un gastro ? Trop coûteux. Et puis l’envie de faire différent, sortir de la cuisine « millimétrée » prend le dessus. « Je voulais un lieu convivial. Manger un morceau servi dans une gamelle en cuivre à des prix abordables où chacun peut se reservir à sa guise… » Et c’est comme ça qu’en juin 2013, il ouvre « Pépé Joseph », rue Marceau, un établissement dans lequel on se sent tout de suite bien.
En baptisant ainsi son restaurant, Franck Schmitt a voulu rendre hommage à son grand-père, un « malgré nous » qui s’était retrouvé, comme beaucoup d’Alsaciens, sur le front russe. Un homme, forgeron de métier, cheminot qui faisait son miel, auprès duquel il a beaucoup appris. Les choses simples, les choses essentielles de la vie. « J’ai vécu des ambiances que je souhaite faire partager aujourd’hui » Des tas d’objets authentiques et parfois insolites viennent décorer le lieu comme la table de cuisine et le porte manteau de la maison de ses grands parents.
Peinture rouge et blanche (les couleurs de l’Alsace) sur les murs, « Pépé Joseph » compte une cinquante de couverts. On y trouve même des sièges de cinéma en guise de chaise. « Pas seulement pour la décor » souligne le propriétaire des lieux. « Chaque soir, on projette des vieux films comme La Vache et le Prisonnier, les Tontons flingueurs. Rien que les images. Pas le son.
Et la cuisine dans tout ça ? Alsacienne ! Evidemment. Mais pas que. « Ma cuisine, c’est plutôt une cuisine de terroir qui tient compte des saisons » explique Franck Schmitt. Une des spécialités maison, c’est la Flammeküche, tarte flambée délicieusement fine et croustillante en dessous, parfumée et onctueuse sur la surface (9,50 € la traditionnelle – crème, oignons, lardons). Et puisqu’on parle de Flammeküche, laissez-vous donc tenter par la « Flamme » aux escargots (12,50 €), au fromage de Cîteaux (11,50 €), la Gaston-Gérard avec volaille marinée, comté, graines de moutarde (12,50 €) ou encore la flammeküche au fromage d’Epoisses flambé au marc de Bourgogne (12,50 €). On les consomme sur place mais on peut aussi les emporter.
Sinon, Franck Schmitt propose des formules cuisinées uniquement à base de produits frais. Le midi, menu à l’ardoise avec 1 plat (11 €), 2 plats (14,50 €) ou 3 plats (17 €). Même formules le soir à 17, 21 et 26 €. La carte des vins fait une jolie place aux bourgognes avec des viticulteurs dont la réputation n’est plus à faire (Bouvier, Charlopin…). Les blancs, eux, sont résolument d’Alsace tout comme la bière, notamment la kronenbourg en 75 non pasteurisée. La vraie Kro, celle qu’on ne trouve pas dans les commerces locaux.
Sans oublier l’eau de vie alsacienne à consommer avec modération sous peine de voir sortir Pépé Joseph d’une des photos noir et blanc accrochées au mur ou une cigogne se poser sur le rebord d’une chaise…

Pierre SOLAINJEU