La CGPME crée un pôle de résistance

Stupeur et véhémence : les représentants des professions dites réglementées réagissent de ces deux manières aux menaces de déréglementation proférées par un récent rapport gouvernemental et qui viserait à abolir ce qui apparaît encore aux yeux de certains comme des privilèges hors d’âge.
Or tel n’est pas l’avis de la CGPME dont le nouveau président Benoît Willot a aussitôt annoncé que sa Confédération allait créer illico un “pôle des professions réglementées”, entendez un front de résistance en charge de déterminer très vite “quel service apporter demain si la paupérisation gagne tout le système ?”
Ils sont donc avocats ou huissiers de justice, pharmaciens, notaires ou opticiens et ils se regroupent dans ce nouveau pôle pour dire tout haut leur stupeur face à un projet qui oublie tout de l’originalité française dans ces matières : “On ne défend pas un monopole mais un système qui sécurise tout le monde” dit par exemple Thomas Soulard, le président régional de la Chambre des Huissiers qui ajoute, vipérin : “On ne veut pas d’une justice low-coast pour les sans-dents”.

Le grand perdant, c’est le patient

C’est d’ailleurs bien sur ce thème de la défense des plus démunis que repose toute l’argumentation des professionnels dits réglementés. Ainsi des pharmaciens, dont le président de la Chambre syndicale régionale, Alexandre Berenguer, n’y va pas de main morte : “S’attaquer aux pharmaciens, c’est s’attaquer aux patients”. Démonstration : le pharmacien seul peut connaître la chaîne du médicament et ainsi rectifier une erreur médicamenteuse en moins de quatre heures, il est en effet tout sauf un épicier et s’appuie sur un dossier pharmaceutique et médical qu’il est seul à connaître.
Enfin, demande-t-il encore, quid de cette fameuse proximité qui fait qu’en France “on trouve une pharmacie toutes les dix minutes”, et d’abord en milieu rural ? Au bout de la déréglementation éventuelle, et alors que l’on rappelle que 300 pharmacies ferment déjà chaque année en France, il y a donc ce constat : “Le grand perdant, c’est le patient”. Idem pour le patient souffrant des yeux : Olivier Padieu, opticien bien connu à Dijon, est affolé à l’idée de la déréglementation de la profession quand il pense qu’on pourrait “aboutir à la fermeture d’usines comme Essilor avec 350 emplois perdus, tout ça pour laisser acheter des lunettes en Chine sans garantie de qualité”.

Un démantèlement “absurde”

Tous dénoncent donc le poids de certains lobbies et l’absurdité que représenterait un démantèlement dont la France aurait du mal à se remettre. Loïc Obadia, de la Chambre des Notaires, ne décolère pas face à tant de contre-vérités entendues : “Je suis atterré par ce qui pourrait arriver. Voyez les ventes immobilières : voudrait-on qu’elles soient dirigées sans contrôle par n’importe qui, c’est-à-dire les banques ? Voudrait-on décapiter les études notariales rurales qui rendent tant de services de proximité – qui leur coûtent plus qu’elles ne leur rapportent – et voir 50 000 personnes perdre leur emploi?”
Au fond, Loïc Obadia a une phrase que tous ses collègues peuvent reprendre à leur compte : “Notre combat n’est pas le combat pour la défense d’un monopole, c’est le combat pour la défense de quelque chose qui fonctionne bien”.
Ancien bâtonnier de l’Ordre des Avocats, Jean-François Merienne appuie pour sa part dans le même sens, insiste sur l’utilité de la réglementation de ces professions et d’abord de celle d’avocat – en termes de diplômes, de déontologie, de contrôle – et il rappelle que tous les actes dits de service public de ces professions (pour l’avocat, l’aide juridictionnelle) sont exercés à perte, prophétise une terrible baisse de la qualité professionnelle et la fin d’un maillage intelligent du territoire.
Tous espèrent donc que le Gouvernement ne légiférera pas par ordonnance sur ces questions si délicates, et Jean-François Mérienne relève la pertinente intervention du député côte-d’orien Laurent Grandguillaume (PS) auprès du Gouvernement pour que rien ne se fasse sans consultation des professionnels concernés et en rappelant combien “nous avons tant besoin en France de tous ces emplois non délocalisables”.
Le président de la CGPME peut effectivement conclure que la résistance est désormais solide contre ce projet de déréglementation absurde qui “stigmatise de potentiels revenus conséquents” et dénonce l’ennemi : un “clientélisme qui nous exaspère au plus haut point”.
Michel HUVET