Faut-il perdre aussi son latin ?

A Dijon les maisons de la presse sont partenaires éditoriaux des librairies. Leurs publics sont occasionnels, type salle des pas perdus (gare, grandes surfaces) mais aussi lieux de rencontres des publivores. Leur présentation est angoissante : des linéaires de revues toujours plus nombreuses avec une raison classificatoire qui impose le recouvrement des titres, pire des images. Ces revues ont un point commun. La première « de couve » est étudiée pour un public captif et elles jouent habilement entre l’image et un peu de texte dans un esprit de libre service. Les maisons de la presse subissent aussi la crise et les invendus en font foi. Malgré tout, ce sont des lieux qui sont un formidable aiguiseur de curiosité et donc de culture.
Je suis publivore, maladivement publivore. Je suis abonné au Monde, au Nouvel-Obs, à Valeurs actuelles, je lis de temps en temps l’Express (un peu semblable au Nouvel-obs), le Canard enchaîné et le Figaro suivant l’humeur, et le Bien Public version Cote-d’Or. A cela, il faut ajouter les mensuels correspondant à mes centres d’intérêts.
Bon, à priori je suis un citoyen presque normal, qui s’informe (du latin informare : donner une forme). Finalement, la forme pourrait me suffire puisque sur le fond j’ai déjà une idée pré-conçue ou analysée. Vous noterez la différence ! Je connais beaucoup de lecteurs pressés qui, à partir des titres et/ou des photos, se rassurent avec un contenu sur lequel ils ont des certitudes. Cela sans mesurer que la pensée unique leur a distillé avec patience, méthodologie et perversion des idées clés en main. N’oublions pas qu’une photo est une réduction de discours tout comme un gros titre. Même pas la peine de tout lire, fastoche et on gagne du temps.
Parfois, je ne comprends pas tout, particulièrement en matière de religion. Par exemple, la porte d’un bâtiment à Dijon est taguée et la photo ne montre qu’une petite partie des tags blasphématoires (auto-censure ?). On apprend, si on lit le texte, qu’il s’agit d’une église. Le curé porte plainte. Idem à Pontarlier où la porte d’une mosquée est taguée (croix nazie). Mais là, pas de photo du tout (auto-censure ?).
Le supplément du Monde (8 février 2014) fait un reportage sur la congrégation catholique Saint-Martin de Tours qui envoie des prêtres pour cinq ans afin d’aider les paroisses. C’est le cas à Dijon pour la paroisse Saint-Bernard . Article bien fait , mais des photos choc de moines-curés en soutane style intégriste avec un gros titre : « Commando en soutane ». Je vais à l’église Saint-Bernard afin d’assister à un office, pour voir et entendre. Office normal, pas un poil réac et «  un punch d’enfer ».
Dans le BP du 9 février dernier, une grande page sur les diacres, titrée : « Des diacres pour sauver l’église » et une photo d’ordination. Article bien fait mais où il est dit que « s’il manque des prêtres, c’est parce qu’il n’y a plus de chrétiens ». Donc le christianisme est présenté comme une religion en fin de parcours et c’est la faute à l’absence de clientèle, si j’ai bien compris l’inter-titre ? (Ah, l’inter-titre, la deuxième chose que l’on lit après le gros titre).
Enfin, la météo sur les chaînes de télévisions publiques et privées, pour certaines (France 3 Bourgogne, par exemple) retirent le mot saint devant le prénom, d’autres le conservent, mais tous s’accordent à parler de la Toussaint ou de la Saint-Valentin, business oblige.
Bref, j’y perds mon latin. Ce qui me fait penser qu’à vouloir supprimer le latin, la culture religieuse (pas l’histoire religieuse, nuance) et la mythologie à l’école, et bien quand on veut vraiment visiter le tout nouveau musée des Beaux-Arts de Dijon, et même les musées de cette ville en général, il est préférable d’avoir un minimum de clés de lecture pour comprendre les œuvres. Seuls les visiteurs cultivés seront en mesure d’y puiser la substantifique moelle. De fait, culturellement parlant, il y a ceux qui ont faim et ceux qui ont de l’appétit.
D’origine bretonne et bourguignonne, et pour être « in dans les langues régionales » nous pourrions traduire : j’y perds mon latin et en langue bretonne par « Ma doué, koll ma oremus » ou en bourguignon par « An ai padu note latin, ue loup vairou   » ,ce qui du reste n’est pas très utile devant une œuvre de musée .
Au fait, Nédellec (Nedeleg) veut dire Noël, nom issue d’une racine que l’on retrouve en tchèque et qui signifie jour où l’on ne travaille pas, jour férié mais à connotation féminine (dixit un de mes anciens professeurs tchèque (B. Soudsky Université de Pars I). Mais mes parents m’ont élevé en garçon, ce que je suis. Mes parents ne connaissaient pas la théorie du genre. J’ai frôlé la jupe bleue et les soquettes blanches. Allez, Sursum corda !
François NEDELLEC