En France, quand on dit « restaurant italien », on pense d’abord « pizzeria ». C’est aussi réducteur que de penser que la cuisine turque, ce sont les kebabs, et la cuisine américaine, les hamburgers.
Je ne vais pas vous jouer ici la rengaine de ce tout-venant de la restauration transalpine que constitue le disque napolitain plus ou moins bien orchestré. Mais de vraie gastronomie italienne. Et à Dijon, celle-ci a une botte secrète. Au milieu de la jolie rue Amiral Roussin, c’est un lieu feutré, discret et intimiste, tout en longueur. Ici, pas de déco clinquante ou vintage, l’essentiel est précisément là où il devrait être partout ailleurs : dans l’assiette.
L’Osteria jouit à Dijon d’une solide réputation, construite au fil du temps, consolidée par la fidélité d’une clientèle éclectique. L’établissement est fréquenté par des notables mais pas seulement, car ce qui unit la clientèle, c’est l’amour des délices de Dante al dente !
Franco, le maître des lieux, est au four et au moulin. Attentif, efficace, sourcilleux et trapu, tout de blanc vêtu, il aime passionnément sa Calabre et son métier. Il voue une passion aux bons produits italiens qu’il fait goûter avec générosité. C’est un chef qui orchestre les saveurs en un festival épicurien. Il connaît son métier sur le bout des doigts et de la langue, évoquant charcuteries, huiles, pâtes et aromates avec une passion communicative.
On peut entrer en confiance, et se laisser guider par le nez et les papilles, en suivant les suggestions. D’ailleurs, tout ce qui peut être fait maison l’est : pâtes et pain, le reste étant travaillé sur place à partir de produits de première qualité, qui peuvent se prévaloir de toutes les appellations garantissant leur noblesse d’origine.
On peut s’ouvrir l’appétit par une large palette d’antipasti : carpaccio de bœuf à la truffe (de vraies truffes blanches bien bossues en bocal, montrées à qui le souhaite comme des trophées !), poêlée de champignons, salade de saumon mariné ou d’écrevisses, calamars frits, caviar d’aubergines, assortiment gourmand de charcuteries italiennes…
Suivront, à la carte, la dorade en croûte de sel marin, le filet de sandre en papillote, les gambas grillées, la dorade grillée, le pavé de saumon au safran, ou le mixte de poisson grillés pour deux.
Viennent ensuite, pour les amateurs de viande, le filet de bœuf grillé aux arômes, le carré d’agneau en croûte réduit au vinaigre balsamique, la noix d’agneau en croûte de poivre et ail caramélisée, la scaloppina alla Romana, le foie de veau à la vénitienne. Des classiques exprimant la quintessence des arômes.
Bien sûr, qui dit « italien » dit pasta. Façonnées et pétries sur place, sont proposées tagliolini à la truffe, spaghetti dell Oste, fettucini au saumon à la veste rose, spaghetti noirs avec gambas et noix de st Jacques, ravioli, cannelloni farcis à la ricotta, lasagne et gnocchi, toutes bien accompagnées. Quant aux desserts authentiquement transalpins, une mention spéciale pour la panna cotta, moelleuse, savoureuse et non gélatineuse (car industrielle), chez bien des concurrents.
On ressent à l’Osteria le parfum authentique de l’Italie gourmande. Le service se fait en italien, avec l’accent, et c’est une affaire familiale. Le patron, Franco veillant au grain, mettant la main à la pâte, conseillant un vin, suggérant une douceur, proposant un alliage ; « l’œil du maître », aurait dit La Fontaine. Et quand on commence à le connaître, ne pas hésiter à la chambrer, comme il chambre ses bons vins italiens (il possède même des vignes en Calabre, demandez lui de vous en parler).
Les prix se tiennent (menus midi et soir et à la carte), et la carte des vins est elle aussi italienne et éclectique.
Le restaurant a ouvert juste à côté, il y a quelques années, une trattoria où sont vendus les produits servis au restaurant, tous arrivant de la Botte en ligne directe. Et les soirs d’été, la terrasse donne à l’adresse des airs romains ou napolitains, avec belles nappes blanches et chandelles en prime.
Franco est souvent bougon, car le métier n’est plus tout à fait ce qu’il était, les produits se standardisent, c’est le triomphe du « prêt à bouffer », et bien des concurrents, quand ils parlent recettes, pensent comptabilité et pas cuisine. En sortant, les papilles repues et apaisées, on se dit qu’il n’a pas tort.
Pascal LARDELLIER
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Professeur et auteur, Pascal LARDELIER vient de publier Rites, risques et plaisirs alimentaires (EMS, 2013)