De mémoire d’électeur socialiste, on n’avait jamais vu ça : trois candidats PS briguant la même mairie ! Celle de Plombières-les-Dijon. Trois candidats qui se connaissent bien car ils ont effectué le dernier mandat côte à côte. Le sortant, Jean-Paul Hesse, le secrétaire de section, Emmanuel Debost, et le premier adjoint, Murat Bayam. Michel Neugnot, patron du parti socialiste en Côte-d’Or, a bien fait les gros yeux pour tenter de remettre de l’ordre dans la maison rose. En vain. Emmanuel Debost est rentré dans le rang mais Murat Bayam a refusé de plier à ses exigences. Conséquences : le PS l’a exclu et le maire lui a retiré sa délégation. De quoi en décourager plus d’un. Mais pas Murat Bayam qui affirme, non sans humour, qu’il ne sera pas « la tête de Turc » du prochain scrutin dans cette ville de 3 000 habitants.
Car l’homme ne cache pas ses origines. Né en 1965 à Mersin, dans le sud-est de la Turquie, non loin de la frontière avec la Syrie, Murat Bayam s’installe en France en 1973. 20 ans plus tard, il élit domicile à Plombières.
C’est le maire de l’époque, Jacky Fouillot, qui l’entraîne dans l’aventure politique.
Elu conseiller municipal en 2001 puis adjoint aux affaires sociales, il est réélu en 2008 sur la liste de Jean-Paul Hesse qui en fait son premier adjoint chargé des Finances. Mais les tensions apparaissent. Et avec elles la défiance. Au point que Murat Bayam s’abstient de voter le dernier budget. La rupture est consommée même si la vie politique municipale se poursuit comme dans les couples qui ne divorcent pas et se contentent de faire chambre à part.
Las de l’immobilisme et des discours pompeux censés les bercer, Murat Bayam décide de lancer sa propre liste. L’homme a du tempérament. Il entend le prouver dans l’adversité. Très impliqué dans la vie associative, ancien président du foyer rural, ce titulaire d’un DESS de gestion des politiques urbaines croit en sa bonne étoile. Les récentes épreuves, certains diront sa dissidence, ont affermi sa foi.
Une (bonne) bouille toute ronde, des yeux qui se plissent quand le sourire malicieux s’élargit, des joues pleines de bon vivant… Avec lui, le silence n’excède pas trois secondes. Et l’enthousiasme fait rapidement vibrer sa voix. Pour lui, le Pasquier constituera un des enjeux électoraux : « Je m’oppose au projet d’urbanisation. Si on est élus, on ne fera pas de constructions sur cet espace de 19 hectares, à proximité du port qu’il faut aménager sur le plan touristique. On fera des lieux de vie, des commerces, des guinguettes, des animations diverses. On ne touchera pas au local des pompiers. On le réaménagera en bibliothèque, médiathèque, en centre d’accès numérique. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il ne faut pas construire. Il faut développer Plombières mais en sollicitant l’avis des habitants pour trouver les lieux les plus adaptés à la construction de logements. »
Et celui qui préfère généralement le compromis à l’affrontement, le dialogue au
combat, la séduction à l’épreuve de force, n’hésite pas à hausser le ton quand il évoque la transparence budgétaire : « Nous demanderons un audit financier. Je prône une fiscalité maîtrisée. Pas d’augmentation d’impôts pendant toute la durée du mandat au-delà de l’inflation. » Des intentions louables que l’on retrouve, un peu partout, chez pas mal de prétendants au fauteuil de maire…
Sa commune, Murat Bayam la souhaite fraternelle et respectueuse. « Il faut instaurer un vrai dialogue avec les habitants. Renouer le lien. Mettre en place des comités de quartiers pour mieux impliquer la population. » Et l’inventaire, presque à la Prévert, ne s’arrête pas là. « Créer un pôle bénévolat pour soutenir le tissu associatif, soutenir le commerce en facilitant le stationnement, repenser les entrées de la commune, donner un nom au complexe sportif, demander à Divia de faire l’effort de faire passer des bus le samedi soir et le dimanche matin… »
Derrière les lunettes à fine monture, rien ne semble échapper au perspicace regard de Murat Bayam qui sait depuis qu’il engagé en politique que la transformation d’une popularité en potentiel électoral est une alchimie délicate. Quant à son exclusion du PS, il pourra toujours méditer ce bon mot de l’ancien Premier ministre anglais John Major : « Si vous voulez de la gratitude, élevez des chiens ».
Pierre SOLAINJEU