S’il est un dijonnais illustre et pourtant inconnu, c’est bien lui. Pourtant, il n’est pas impossible que vous l’ayez déjà admiré sans connaître son nom . C’était sous Louis XVI. Un jeune joueur de pochette (un petit violon de maître à danser que l’on peut glisser dans sa poche) débarque à Dijon, venant de son Italie natale, jouant pour survivre dans les bals publics des villages traversés tout le long de la vallée du Rhône.
C’est surtout sa virtuosité dans l’art de la gambille qui va le faire apprécié des dijonnaises qui se seraient damnées pour danser avec un coquin dont le nom rimait avec « amour » et la plastique rivalisait avec celle des plus beaux marbres antiques. Un chroniqueur de l’époque le portraiture : » Il avait ces yeux noirs d’Italie qui sont si langoureux et dont les femmes s’affolent si volontiers. Son teint était de ce jaune chaleureux qui est particulier aux Italiens et aux roses thé. Pour la jambe , elle était , comme on dit » moulée » ; le mollet était la perfection même. Enfin , l’assemblée jugeait Cadamour d’un mot : il est fait au tour . »
Cadamour qui ne savait pas dire non eut très vite de méchants démêlés avec de nombreux dijonnais qui le menacèrent des geôles du Château. C’est la veuve du Président du Parlement de Bourgogne, une femme » aux principes envolés » qui lui offrit le salut en l’engageant comme professeur de saltarelle . La rencontre avec un peintre chargé de faire le portrait de la Présidente en Diane ,et qui le convainquit de se faire modèle ,allait chambouler son existence.
Mais la vraie vie de Cadamour allait commencer sous la Révolution. Quand vous vous arrêterez devant de célèbres toiles de David , comme » le passage des Thermopyles » ou » l’enlèvement des Sabines » examiner avec attention les personnages de Léonidas et de Romulus aisément identifiables . Vous saurez à quoi ressemblait Cadamour qui déclarait : » Mon corps appartient au citoyen David, sur ses toiles je suis sûr de vivre toujours » . Justesse du jugement !
Après l’exil de David , il posa pour Girodet , un peintre remarquable que l’on redécouvre aujourd’hui et vous pouvez le reconnaitre sous les traits d’Acis dans la toile » Acis et Galatée » , Puis pour Gros à la mort de Girodet . A vrai dire le catalogue des oeuvres néo-classiques françaises ( tableaux , dessins , sculptures ) offre des centaines de métamorphoses de Cadamour qui en 1830 était le doyen des modèles . Il est mort en 1845 : selon ses dernières volontés son squelette fut conservé à Paris …. à l’Ecole des Beaux -Arts : une façon posthume d’exercer son métier .
P. P