Emmaly : Au nom du père

Mais qu’est-ce que ce garçon peut bien faire dans un institut de recherche universitaire alors qu’il a déjà de l’or dans les mains… ? « L’université, avec la conception ou l’adaptation de prototypes de recherche, c’est mon activité professionnelle, la sculpture, c’est mon activité artistique. Deux domaines qui concourent à mon équilibre » répond tout sourire Emmanuel Couqueberg. Et il est de coutume d’affirmer que la progéniture de n’importe quelle célébrité est placée dans l’obligation de se faire un prénom.

Alors, entre une mère pastelliste et un père sculpteur, Emmanuel a choisi Emmaly. Clin d’oeil à sa reine de coeur, Lydie, son épouse.
Emmaly a vu le jour en 1973, à Dijon. Ses études techniques au lycée Saint-Joseph le conduisent à trouver premier emploi, à 18 ans, aux Avions Robin, à Darois. Quatre ans plus tard, il prend le risque d’abandonner un CDI pour un CDD à l’Université de Bourgogne qu’il ne quittera plus. Et la sculpture, dans tout cela ? Elle est omniprésente. Des heures durant, il observe son père. Mais c’est seulement à l’âge de 34 ans que le fils devient disciple.
Presque timide, souriant, d’une modestie jamais prise en défaut, il tente de désamorcer
toute question qui pourrait le mettre en valeur. A l’en croire, son parcours est tout simple. A sens unique. Le monde animal, la nature, le fascinent. 2006 marque ses premières créations. « J’ai commencé par un escargot sur une branche ».
Et l’on découvre un artiste figuratif en devenir. Une main qui se détache de la main. Des main qui se tendent vers la matière, qui se relaient pour modeler et remodeler, construire et reconstruire. Une main tendue vers l’autre, une main qui cherche, qui recherche, qui serre et qui retient. Son talent est désormais reconnu dans le cercle très restreint des sculpteurs animaliers. Un talent qui ne verse ni dans le ravin des platitudes ni dans l’ornière de la mièvrerie.
« Le bronze représente 90 % de ma production » reconnait Emmaly qui ajoute : « Je pense avoir trouvé ma propre voie. Et depuis un an, je travaille l’acier. Cette démarche sur les thèmes de la spirale et de l’éllipse, me permet l’approche de nouvelles forme modernes aux couleurs vives et délicates avec des formes élancées, toujours en rondeurs.  » Une visite dans l’atelier qu’il partage, à Orgeux, avec son père, permet de mesurer toutes les facettes de ce jeune artiste qui avoue ses préférences pour le travail d’Arman, de Camille Claudel… mais aussi de Michel Couqueberg , son père. La salle d’exposition révèle un bestiaire planté comme des sentinelles autour du maître.
Et le talent a rapidement dépassé le cadre régional. Deux de ses oeuvres ont été sélectionnées pour le salon national des Beaux-Arts de Paris, au Carrousel du Louvre. Un perroquet et une libellule qui seront jugées, entre autres, par les directeurs des musées Picasso et Dali. L’itinéraire d’Emmaly est une leçon exemplaire que toute conquête, même tardive, reste possible aux audacieux, aux travailleurs, pourvus de compétence et de sincérité.
Vous l’avez compris : dans le domaine de la sculpture animalière, un Couqueberg peut en cacher un autre.
Jean-Louis PIERRE