Des Miss au Zénith

Elles sont là ! Vous ne les avez pas croisées en ville. ? Pas de chance, alors, car une cohorte de Miss dans Dijon, ça se remarque et ça s’admire. Elles sont passées chez Billoux, elles repasseront par là, cohorte rieuse, papotante et émoustillante.
Depuis presque trente ans qu’elle est médiatisée, l’élection de Miss France est devenue un véritable phénomène de société. Et pour cause : entre dix et quinze millions de personnes se trouveront devant leur petit écran durant les deux heures et demi de la cérémonie du 7 décembre, exprimant par centaines de milliers leur choix du coeur par SMS (surtaxés).
Cette année, c’est à Dijon que la grand-messe aura lieu. Les yeux de la France seront braqués sur la Bourgogne, mise à l’honneur et en valeur comme rarement. De la joie, du stress, du strass, et quelques larmes, aussi, car peu avant minuit, nous serons tous orphelins d’un titre que tous nous envient, Marine passant la main et son diadème.
Plus largement, le succès de l’élection de Miss France tient aussi aux allures de contes de fées de cette soirée magique. Le Comité Miss France fait bien les choses, et avant le grand soir, toutes les candidates sont embrigadées quelques jours dans un lieu exotique et féerique « pour y apprendre à se tenir, à marcher et à parler » (ceci est écrit dans le programme officiel). Revenant au monde par les airs et nimbées d’un statut supérieur, vêtues de robes mirifiques, les quelques dizaines de jeunesses en beauté concourent dans un Zénith (symbole fort), au sein d’un décorum d’opérette. Mais de toutes ces apprenties Sissi, une seule, peu avant minuit, ressortira Princesse.
Des contes aux comptes, l’ensemble du dispositif de retransmission de cet événement va être conçu pour favoriser la participation active des téléspectateurs, grâce aux ressorts de l’émotion et de l’identification. Les « demoiselles » en lice représentant toutes une ville ou une région de France, la tentation est grande, pour chacun, d’être à la fois juge et partie devant sa télévision. La preuve, on était très nombreux à soutenir la belle Marine, « notre » Bourguignonne de cœur, exceptionnelle ambassadrice qui a échoué au pied du podium mondial. Il est sûr qu’une Miss Univers du cru, c’eût été plus glamour que Miss jambon persillé !
La dramaturgie du Zénith, on la connaît par cœur, mais on voudra la vivre en direct. Alors que « la France retient son souffle », la mise en scène brandit crescendo les indices de dramatisation. Le grand escalier qui tient lieu de théâtre du destin, submergé de jeux de lumière, d’accords de violons et de roulements de tambours est naturellement propice aux assomptions glorieuses vers la notoriété de l’une, contre la lente redescente vers l’anonymat des autres. Le kitsch est assumé, contribuant à nimber le tableau de provincialisme. Il est sûr que l’univers des top-models est plus inaccessible, plus slave, et souvent plus trash. Marine Lorphelin pourrait dire à Kate Moss, « nous n’avons pas les mêmes valeurs ».
Mais le succès phénoménal de l’élection de Miss France tient moins au suspense autour du nom et du visage de l’élue qu’aux relents de contes perceptibles en cette « soirée magique ». Vêtues de robes mirifiques, les impétrantes sont invitées au Palais, comme au Bal des Débutantes. Mais de toutes ces apprenties Sissi, une seule ressortira Princesse, fiancée officielle d’un pays entier, qui l’a choisie, élue. Telle Cendrillon ou Peau d’Ane, la fille qui était notre cousine, notre voisine, se métamorphosera pour revêtir le diadème la couronnant reine de beauté, et « ambassadrice de la France ». Encore une Bourguignonne cette année ? On peut rêver…