LiNo : fallait-il se contenter d’une seule voie ?

Rappelons-le, le chantier de la LiNo (diminutif de Liaison Nord) a démarré il y a six ans. Le projet de déviation nord datant lui, de 1967. Cette route périphérique très controversée a finalement vu le jour. Le ruban se déroule, pour plus de ses deux tiers, sur deux fois une voie. Gros plan sur trois des acteurs locaux de cette construction qui s’interrogent quant à ce choix. Archéologie préventive, minage des sols et roches pour préparer le terrain, terrassement, réalisation d’ouvrages d’art, de tunnels… un travail de Titan exécuté avec aisance et haute technicité. “Le Génie civil porte bien son nom. Nous faisons partie d’une grande famille capable de creuser des tunnels sous la Manche !” souligne Francis Pennequin, président de la Fédération régionale des travaux publics de Bourgogne. Le chantier de la LiNo aura sans doute été plus important par l’encre qu’il a fait couler que par son ampleur réelle. Les retombées économiques sur la profession n’ont en effet rien d’exceptionnel. “La LiNo, dans son ensemble, ce sont 150 millions d’euros TTC étalés sur six ans. Les travaux publics en Bourgogne, c’est à peu près milliard d’euros de chiffre d’affaires annuel, soit six milliards pour six ans. Pour se faire une idée, disons que cette route représente l’équivalent de 2% de notre CA sur toute cette période”. Les travaux ayant été, précisons-le, répartis entre plus de deux cents entreprises de France et de Navarre en fonction des spécialités et adjudications. Les co-financeurs : l’Etat à hauteur de 27,5%, la Région pour 25%, le Département, 25% également, et le Grand Dijon, 22,5%. Baptiste Carminati, président du Directoire de la SNCTP, lance le débat. “Pourquoi avoir opté pour une seule voie sur une route visant à désengorger la circulation urbaine et pouvant devenir accidentogène à l’instar de la Rocade Est à son origine ?” Francis Pennequin y répond sans langue de bois. “C’est une généralité en France, nous avons la âcheuse tendance de commencer petit pour agrandir quelques années après en multipliant les coûts. Alors évidemment, lorsque je parle au nom des travaux publics, je ne peux que reconnaître l’avantage de réaliser deux chantiers plutôt qu’un. Mais le contribuable que je suis aussi ne peut s’empêcher de crier à l’aberration. La pression d’associations écologistes a conduit à limiter majoritairement la LiNo à une seule voie mais je ne suis pas sûr que cette décision réduise la pollution engendrée par le flux de 15 000 à 25 000 véhicules par jour selon les prévisions. Sans parler de l’impact qu’aura la transformation de cette route à termes”. Transformation ? En effet, il n’est pas impossible que d’ici quelques années, la LiNo soit affublée de deux fois deux voies sur son ensemble. C’est en tout cas ce qui semble prévu puisque la majorité des 16 ouvrages d’art, ainsi que le tunnel de Talant long de 600 mètres, qui la jalonnent ont été conçus de manière à pouvoir la recevoir. Une reconstruction qui entraînera nuisances et surcoûts parfois indirects : “Lorsqu’il faudra stopper le trafic ferroviaire pendant deux jours pour doubler le pont cadre de Plombières qui permet de passer sous la ligne Paris-Marseille, la SNCF fera cette fois payer le manque à gagner énorme à la communauté…” explique le président. Vincent Martin, dirigeant du groupe Roger Martin ajoute : “C’est anti-économique de la part des pouvoirs publics d’avoir limité cette route à une voie. Quand les usagers vont se retrouver dans un entonnoir à Ahuy, à Talant et à Plombières, je pense qu’ils vont revenir dessus. Peut-être dans cinq ou dix ans, je ne sais pas. Pour la Rocade, c’était surtout une question de financement. Avec la LiNo, ce n’était pas le cas. Le surcoût n’aurait été que de 15% environ pour passer directement à deux fois deux voies.”. Il souligne par ailleurs l’action de l’ancien préfet de Bourgogne, Christian de Lavernée, “vrai moteur du lancement des travaux de la LiNo qui est allé à la rencontre du groupuscule d’associations réfractaires” et le fait que “l’Etat est de toute façon propriétaire foncier de l’emprise pour une deux fois deux voies…”.

Les travaux touchent à leur fin. La LiNo devrait prochainement subir une période de deux mois de test pollution et accidentologie, notamment dans les tunnels, les tout premiers de la région, qui comprennent 3 000 capteurs. Elle sera ensuite définitivement ouverte au public. Les ouvrages remarquables de la LiNo Œuvre majeure, le pont cadre, réalisé par l’une des cinq entreprises françaises capables d’un tel exploit, la SNCTP, se présente sous la forme d’un passage souterrain enclavé sous la voie ferrée. “Nous l’avons construit en quatre mois, à quarante mètres de l’endroit où il devait être installé, avant de procéder au ripage en deux jours” explique Xavier Lugand, son directeur général. L’opération de ripage a consisté à déplacer par glissement sur coussins d’air cette immense structure de 2 500 tonnes qui présente des excroissances afin de lui rattacher un éventuel jumeau un jour. Excroissances aujourd’hui enterrées sous une coulée verte. Autre ouvrage marquant parmi tant d’autres dans lequel a participé l’entreprise dijonnaise : la tranchée couverte située entre Fontaines et Daix, un faux tunnel de 300 mètres de long. “Comme la grosse majorité des ouvrages d’art de la LiNo, cette tranchée comporte elle-aussi des manchons pour être agrandie. Parce que techniquement, il est trop compliqué de modifier des ouvrages d’art lorsque ça n’a pas été prévu. On aurait été obligé de démolir pour refaire du neuf” précise François Bildgen, chef de l’agence Dijon génie civil de la SNCTP. Les deux agences (routière et grands travaux) du groupe Roger Martin ont œuvré de concert avec les entreprises Colas (Snel) et Rougeot pour réaliser la section courante de la LiNo. A savoir, procéder au terrassement puis à l’enrobage bitumeux, plus communément appelé le « noir » dans le milieu. “En tant que locaux, nous avons fait de vrais efforts pour décrocher ces marchés de la LiNo, à la fois pour l’image de marque de notre entreprise et pour nos salariés. Un chantier proche, c’est plus facile à gérer pour tout le monde” explique Vincent Martin. Ce “chantier classique” aura permis à l’entreprise de conserver une activité soutenue durant une période morose pour l’ensemble de la profession. Sa particularité : des contraintes énormes sur le plan environnemental liées à la démarche Iso 14001 de la DREAL (eau, combustibles, CO2, énergie). “Ils ont souhaité montrer l’exemple avec la LiNo. Nous sommes de toute façon tous aguerris à ce mode de fonctionnement, de vigilance vis-à-vis de l’environnement” relate encore le dirigeant. L’entreprise Pennequin, spécialisée dans les opérations de terrassement, réalisation de plateformes et réseaux nécessaires au bon fonctionnement des ouvrages, était également en charge de différents marchés. “Une route comme celle-là, les entreprises bourguignonnes sont capables d’en faire une par an. Si on devait parler d’exploit, il faudrait plutôt citer la réalisation du tram dans un milieu urbain très contraint “ conclut Francis Pennequin qui tempère cependant son discours en mettant en exergue le côté positif d’un tel chantier pour les locaux de la profession. Florence CAROLE

HALTE AUX RUMEURS ! La Lino ne comprendra pas de péages à section ! La vitesse y sera limitée de 70 à 90 km/h selon les parcelles. Cette liaison rapide reliera l’Ouest de Dijon (Plombières) et le Nord (Toison d’Or/Valmy) sur une distance de 6,5 km. Les communes traversées : Ahuy, Daix, Fontaine-lès-Dijon, Talant et Plombières. Elle devrait être ouverte à la circulation courant février 2014, la date n’étant pas arrêtée pour l’instant. (Source : Pascal Girard, responsable adjoint du service des Transports de la DREAL)