Dans les pas d’un grand reporter : Jacques Revon

Le métier fait rêver. Loin d’être de tout repos, parfois même dangereux, il exige de sérieuses compétences techniques ainsi que de vraies valeurs humaines. Jacques Revon en rêvait, il l’a fait.

Journaliste-écrivain et grand reporter, il vient de publier dernièrement un opus photographique, Le quotidien des bâtisseurs ou l’histoire humaine d’une construction, paru aux éditions L’Harmattan. L’occasion pour nous de vous présenter son parcours de vie, celui d’un homme qui a su prendre en main les rênes de son destin.
Jacques Revon naît à Roanne, il y a 65 ans, d’un père photographe qui refuse que son fiston suive le même horizon professionnel que lui. « Il m’a même dit : tu n’apprendras pas ce métier avec moi ! » se souvient-il avec amusement. A 15 ans, l’objectif du jeune Jacques est clair : devenir journaliste. « J’ai toujours été très curieux de nature, j’ai besoin d’apprendre et de partager mes connaissances ». Il obtient son CAP photo, bien évidemment, aux côtés de son père. Puis, au sortir du service militaire, il trouve un premier emploi de photographe pour les usines Citroën de Paris. Le soir, il étudie pour passer son brevet professionnel.
S’ensuivent différents postes très formateurs. Il sera notamment chroniqueur pigiste caméraman à la station ORTF de Lyon, responsable du laboratoire d’Iconographie médical du centre anti-cancéreux Léon Bérard ou encore technicien photographe pour le fabricant de films photo Ilford.
Nous sommes au début des années 80, lauréat de la Fondation nationale de la photographie, Jacques Revon publie son premier livre intitulé La photographie d’action et de reportage, chez Paul Montel, une bible pour les néophytes. Un deuxième ouvrage consacré aux derniers mineurs de fond, Le cœur au fond des yeux, paraît l’année suivante. « Je me suis dit : nom d’un chien ! Ces hommes qui travaillent dans l’ombre méritent un peu de reconnaissance. On était à la fin des années 70 et leurs conditions de travail, c’était du Zola ! Je suis descendu dans la mine avec eux, certains m’ont accueilli chez eux. Et j’ai pu faire ce livre qu’ils se transmettent avec fierté de génération en génération ».
C’est vers 30 ans que sa carrière de journaliste va prendre forme pour de bon. France3 Rhône-Alpes le recrute. Il est nommé journaliste reporter d’images. Pourtant, rapidement, l’image ne lui suffit plus, il veut rédiger ses sujets. Il négocie et obtient une formation de rédacteur au CFJ de Paris (Centre de formation des journalistes). Et quelques mois plus tard, la chaîne lui propose un poste de rédacteur à Dijon. Il y présente le journal de Bourgogne Franche-Comté puis, créé et anime diverses émissions, notamment Vecteur Jeunes.
En 1996, France3 le nomme cette fois grand reporter. Il ira ainsi, caméra au poing, à la rencontre d’hommes et de femmes, situés aux quatre coins de la planète durant près de 10 ans de sa vie, parfois au mépris des dangers. « J’ai failli me faire tuer en Somalie, une balle a sifflé juste au-dessus de ma tête. Malgré cela, à mon retour, je voulais déjà repartir au Kosovo. Je n’y suis pas allé cette fois car mon fils m’a demandé de rester ».
Après cela, Jacques Revon se portera volontaire pour former deux jeunes journalistes, avant de reprendre le terrain pour fournir de l’information locale.
En juin 2008 : l’heure de la retraite a sonné. Enfin, façon de parler… car à deux pas de sa maison de Daix, le chantier de la Lino démarre. Et la « mauvaise réputation des hommes des travaux publics » n’est pas sans lui rappeler celle des mineurs. Il se lance à titre personnel et bénévole et obtient les autorisations nécessaires pour se rendre cinq années durant auprès de ces hommes. Il mitraille, il interroge, il partage de grands moments avec cette immense famille méconnue du grand public. Plus de 200 entreprises de France, d’Europe et d’Afrique s’y succèdent en fonction de leurs spécialités. Il s’agit d’un chantier local et pourtant ce que ses images racontent est tout ce qu’il y a de plus universel, d’où l’omission volontaire du mot Lino dans le titre de son livre.
Le tragique côtoie malheureusement parfois les belles histoires humaines. Il y aura deux décès. Un jeune homme de 18 ans écrasé par une machine. Et celui de Nelson, 38 ans, mineur issu du nord de la France et chef de chantier. Jacques Revon avait fait sa connaissance deux mois avant le drame et était encore avec lui quelques heures plus tôt à l’endroit même où s’est produit l’accident. « Un regard sympathique qui m’avait tout de suite séduit et impressionné, il m’avait beaucoup questionné sur mes travaux ». Le 19 octobre 2011, alors que Nelson inspecte l’avancée du tunnel de Talant, un morceau de roche se détache. Dans le coma, il décède trois jours après. Ses collègues et amis font appel aux services de Jacques Revon pour un hommage très particulier. « Je n’ai pas hésité, je devais trouver un avion pour prendre une photo aérienne des engins de chantier qu’ils avaient disposé pour former les lettres de son prénom. Ils ont fait une ronde en levant leur casque au ciel pour écrire le O ». Le portrait de ce mineur accompagne tous les hommes du chantier depuis.
Un nouveau projet est déjà en cours pour Jacques Revon parce que « les images sont des témoignages vivants de moments qui reprennent vie à chaque fois que l’on y porte son attention, elles sont la trace de ce qu’ont fait les hommes, une photo n’est jamais figée, elle vit éternellement…»
F.P