Dijon met son grain de sel…

Voilà un sujet qui ne manque pas de sel… Cette accroche était facile nous direz-vous – et vous aurez raison – mais vous conviendrez qu’elle est particulièrement adaptée ! Des entreprises internationales se sont, en effet, retrouvées à Dijon afin de signer un protocole d’accord pour développer un sel nouvelle génération, capable de « réduire l’effet hypertenseur ». Oui vous avez bien lu… un sel susceptible de ne pas faire grimper l’hypertension… alors que, depuis toujours, chacun d’entre-nous a eu droit à cette réflexion : « Ne mets pas trop de sel, c’est pas bon pour tes artères ! »
Cette signature s’est déroulée dans les locaux de CEN Nutriment, société dirigée par le Pr François-André Allaert, qui a réalisé l’étude clinique et observationnelle sur ce produit appelé Symbiosal. Une étude qui a notamment, été présentée à la tribune de l’un des congrès scientifiques les plus célèbres au monde : The American Hearth à Orlando aux USA. Symbiosal, créé par la société sud-coréenne HAN Asio Biotech, a également été au menu de différents congrès en Chine, en Angleterre et en Allemagne. Il faut dire que l’enjeu en terme de santé publique mais aussi de marchés internationaux est de taille. Et ce, eu égard aux milliers de tonnes consommées chaque jour, pas seulement dans les salières posées sur les tables, mais aussi dans la fabrication du pain et de la charcuterie…

« Symbiosal permet de diminuer l’effet hypertenseur du sel et pourrait ainsi contribuer à la réduction non seulement de l’hypertension des individus mais aussi de la fréquence de cette maladie dans la population », explique le Pr Allaert (voir son interview ci-contre). En France pas moins de 14 millions de personnes seraient touchées par l’hypertension. Imaginez à l’échelle internationale…
Pas moins de 5 pays étaient, en tout cas, représentés à travers les signataires : Jean-Louis Klein au titre des sociétés Han Biotech GmbH (Allemagne) et Euro-Symbiosal (Luxembourg), Jeffrey D. Lioon pour Springdale Health Management LLC (USA), Jean-Marie Butterlin pour Effiplex SLU (Espagne) et, naturellement, François-André Allaert (CEN Nutriment/France) chez qui était paraphé ce protocole d’accord. Un «  memorandum of understanding », dans la langue de Barack Obama plus propice aux échanges internationaux, dans l’objectif d’ « unir les efforts pour développer ce sel nouvelle génération ».

Celui-ci est le résultat d’une hydrolyse de sel de mer traditionnel en présence de chitine (molécule que l’on trouve au sein des coquilles de crabe) qui bloque la toxicité hypertensive par un phénomène de chélation (blocage chimique). C’est la raison pour laquelle Symbiosal conserve le goût normal du sel à la différence d’autres produits de substitution qui existent déjà. Autant d’éléments qui ont été rappelés par les signataires dans les locaux de CEN Nutriment, basée au cœur de la zone dijonnaise dédiée à l’innovation, Mazen-Sully.

Membre du pôle Vitagora portant sur le triptyque Goût-Nutrition-Santé, cette entreprise, créée en 2006, est une CRO… Nous aurions aimé faire plaisir aux adeptes de la bière mais il ne s’agit pas d’une faute d’orthographe subie par leur acronyme préféré. Non ces 3 lettres signifient que CEN Nutriment est une Contract Research Organization, autrement dit « une organisation offrant un soutien en sous-traitance pour la pharmacie, la biotechnologie et les industries des dispositifs médicaux sur une base contractuelle ». Et depuis sa genèse, cette société a publié pas moins de 1000 études, dont 150 référencées Medline, soit sélectionnées par la Bibliothèque américaine de médecine.
C’est évidemment grâce à ses multiples références internationales que CEN Nutriment a été choisie par la société asiatique Han Asio Biotech pour prouver l’efficience de Symbiosal.
Encore faut-il dorénavant que l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) ne se prononce ? Le « chef de la table européenne » évalue, au titre de l’Union européenne, les risques relatifs à la sécurité des aliments. Seul problème, comme l’ont regretté de concert les signataires : « Les autorités administratives françaises bloquent pour l’instant le transfert de Symbiosal à l’EFSA ». «  Elles le considèrent comme un nouvel aliment alors que le sel et la chitine qui composent Symbiosal sont respectivement consommés en Europe, le premier depuis des temps immémoriaux, et le second depuis des dizaines d’années dans les compléments alimentaires », ont-ils détaillé, non sans faire planer le spectre d’une production sur le sol américain.

Si Symbiosal pouvait, enfin, être au menu de l’EFSA, et si celle-ci rendait, à terme, un avis positif, le Pr Allaert ne cache pas qu’une société de recherche et développement pourrait voir le jour à Dijon. Dans la future Cité de la Gastronomie, cela aurait un sens…
Mais, pour ce faire, encore faut-il que ce sel nouvelle génération soit véritablement mis en selle !

Arnaud CUSH

 

 

François-André Allaert : « Favoriser l’attractivité économique de Dijon »

En quoi Symbiosal est-il révolutionnaire ?
François-André Allaert : «Cela fait de nombreuses années que l’on tente de réduire la consommation de sel dont on sait qu’elle est à l’origine de la forte fréquence de l’hypertension dans le monde. L’intérêt de ce procédé est d’utiliser du sel habituel et de diminuer son caractère hypertensif grâce aux propriétés de la chitine issue de la coquille de crabe. Il a le goût du sel « normal » comme cela a été publié au niveau international, il pourrait contribuer à diminuer la tension artérielle des personnes, voire à réduire l’incidence de la maladie. Attention je ne dis pas qu’il faut manger du sel mais, en accompagnant un régime hyposodé, il serait meilleur de manger ce sel Symbiosal ».
Pourquoi n’obtenez-vous pas les autorisations administratives pour le développer ?
F.-A. A. : «  Symbiosal rencontre en effet des difficultés administratives, qui font que le dossier n’est pas transmis à l’EFSA, seule autorité à pouvoir délivrer l’allégation de santé. Tant que l’EFSA ne se penche pas sur ce procédé nous ne pourrons pas avancer. L’enjeu est important puisqu’il ne s’agit pas seulement du sel de table mais des centaines de tonnes utilisées chaque jour pour le pain, la charcuterie et les plats cuisinés. Ceci explique peut-être cela… »

C’est ainsi à la fois un enjeu de santé publique et un enjeu économique…
F.-A. A. : «  Avec les sociétés américaine, espagnole et allemande titulaire des droits du brevet coréen, qui sont venues témoigner de leur engagement en signant le protocole d’accord dans notre ville, nous avons l’ambition de créer à Dijon un centre de recherche et développement sur le sel, synonyme d’emplois. Quant à la plateforme de production du sel Symbiosal, nous l’envisageons du côté de Nantes, à proximité du sel de Guérande, qui possède toutes les propriétés pour participer à l’élaboration de Symbiosal. Le risque, avec ce blocage administratif, c’est qu’à terme ce sel soit produit sous d’autres cieux car rien n’empêche – hormis nos accords – que la société américaine transmette directement le dossier à l’EFSA et décide de produire ailleurs. ».

Vous êtes chef d’entreprise mais aussi élu dijonnais*, vous préféreriez naturellement que ce sel bénéficie au développement et au rayonnement à l’international de Dijon…
F.-A. A. : « Afin de maintenir et développer l’emploi, François Rebsamen a placé parmi ses principales priorités le développement économique de l’agglomération dijonnaise. C’est en soutenant la recherche, en créant des zones d’activité dédiées ou encore en facilitant la R&D que nous hisserons durablement Dijon parmi les villes qui comptent au niveau international dans le domaine de l’innovation agroalimentaire. Si le développement de ce sel Symbiosal à l’échelle européenne et américaine se fait depuis Dijon, nous apporterons une pierre supplémentaire à l’attractivité de la ville. Et, entre nous, un centre sur le sel cela va bien avec le positionnement de Vitagora Goût, santé, alimentation… »

* François-André Allaert est vice-président du Grand Dijon en charge des relations internationales, conseiller municipal dijonnais délégué au commerce extérieur