« Mais qu’est-ce que c’est que ces étrangers qui viennent manger le pain de nos Arabes ?! ».
Ne riez pas, je l’ai lu sur plusieurs blogs consacrés au « problème » des Roms. Problème, avez-vous dit ?
Il est pour le moins étonnant que, soudainement, environ 20 à 25 000 Roms fassent autant de bruit dans un pays de 65 millions d’habitants ! Enfin, pendant ce temps, on élude les problématiques d’une autre communauté forte de 6 millions de personnes. Un jour, il faudra bien parler des ravages du communautarisme dans la faillite de l’insertion…
A l’occasion de ce débat, tout y passe : de la xénophobie la plus abjecte à la fausse compassion la plus étalée. Peut-on – quand même – rappeler qu’il s’agit d’êtres humains ayant droit à un minimum de dignité et de respect ? Certes, il y a des chapardeurs, des voleurs, des mendiants, des trafiquants, des gangsters, dans cette communauté, comme dans bien d’autres malheureusement ; est-ce une raison pour jeter l’opprobre sur toute une catégorie de population ? Dirait-on que tous les français sont pédophiles à cause d’un Emile Louis ou d’une Myriam Badaoui ? Du calme, donc ! En clair, à titre personnel, toute naïveté mise à part, il me déplait fortement que l’on suscite la haine et que l’on tombe dans la stigmatisation de l’autre simplement parce qu’il est « différent ».
Il y a deux façons d’aborder la situation des Roms en France : Soit on les « éjecte » vers la Roumanie et la Bulgarie (qui s’en soucient manifestement comme d’une guigne, n’en déplaise à Mme. Viviane Reding et ses 17,5 milliards d’euros de fonds européens mis à disposition de ces pays) ce qui revient à glisser la poussière sous le tapis, soit on constate qu’ils sont là et on retrousse ses manches pour qu’ils s’insèrent dans notre société.
C’est cette dernière voie qui a été partiellement choisie par les autorités compétentes de Dijon ; je dis partiellement car, pour le moment, ce ne sont que 36 adultes et 21 enfants qui ont pu bénéficier du village d’insertion, les autres étant encore dans la nature, livrés à eux-mêmes. Néanmoins, c’est un début et un bon début, Dijon ayant été précurseur sur ce dossier.
Direction donc la rue des Creuzots, ou plus exactement le Boulevard Maillard, pour savoir ce qu’il en est réellement. Passée la surprise de voir une belle Audi A4 2.5 TDI immatriculée en Roumanie garée pile devant l’entrée, une fois poussée la porte du « Village Dom’ici » une dame d’origine roumaine, parlant fort bien notre langue, me reçoit très aimablement au milieu de bambins en train de jouer (on est mercredi après-midi) et… me renvoie sur le responsable du site, tout en me disant que le siège de l’association « 2 choses lune » dont l’objet est l’hébergement d’urgence se trouve en région lyonnaise (à Rillieux-la-Pape pour être précis). Je voulais lui poser les questions ci-dessous mais ce responsable m’a répondu qu’il ne « pourrait me parler qu’après avoir reçu l’accord de son financeur, la Direction Départementale de la Cohésion Sociale à Dijon ». Le dossier « Roms » ressemble à la patate chaude et de service en service, d’appels téléphoniques en longues attentes, têtu que je suis, j’ai finalement pu obtenir des réponses de la part de Mr. François Bordas, Directeur de la DDCS qui a eu la gentillesse de dialoguer assez longuement avec moi.
Mes questions :
A) Pourquoi ces gens ont-ils choisi la France plutôt qu’un autre pays européen ?
B) Ne pouvant travailler pour le moment, avec quel argent vivent-ils ?
C) Qui finance ce village ?
D) En quoi consiste le programme d’insertion ?
E) Comment expliquez-vous la vindicte dont ils sont l’objet de la part des français ?
Ses réponses :
A) « Je ne sais pas. Beaucoup avaient déjà choisi l’Italie qui, par ailleurs, a fort à faire avec d’autres migrants.
B) Ils vivent d’aides ou bien ils font la manche. (La sincérité de la réponse m’a littéralement scotché !).
C) Le village est financé par l’Etat français pour un coût d’environ 200.000 € / an ; Dijon et le Grand Dijon ont apporté leur contribution par les travaux de viabilisation et d’aménagement du terrain. A ce jour, nous ne recevons pas d’aide de la part des fonds européens.
D) Le programme s’adresse à celles et ceux qui veulent vraiment s’insérer ; il convient de noter que l’insertion est plus aisée quand il s’agit de familles, les enfants ‘poussant’ vers le haut, plutôt que de personnes isolées. Nous établissons un diagnostic individualisé, une évaluation sociale. Nous leur apprenons à parler notre langue, facteur premier d’une future intégration ; il s’agit d’un package qui est assumé par le SIAO (Service Intégré d’Accompagnement et d’Insertion). Ceux qui ne veulent manifestement pas s’insérer sont souvent alcooliques et ce n’est pas de notre ressort.
E) Vindicte ? Sans doute parce qu’on les voit… »
Bien évidemment, la place impartie ne permet pas de développer plus avant, notamment sur le rôle des associations, sur les résultats concrets, sur la pérennité de ce dispositif, tous sujets sur lesquels nous reviendront sans doute ultérieurement. A DIJON L’HEBDO, nous sommes là pour poser les bonnes questions et tant pis si nous n’avons pas pu obtenir de réponses à toutes, l’essentiel étant de s’interroger sur des problèmes de société qui interpellent l’ensemble des dijonnais.