Le cactus de Jean-Pierre Collard

Le Conseil général, par la voix de son président, vient de jeter un pavé dans la mare en annonçant la fin de son engagement financier dans le projet « Renaissance », c’est-à-dire l’aéroport de Dijon. Résumons : En 2006, il fut décidé que Dijon se devait d’avoir un aéroport civil digne de ce nom, outil majeur au service du rayonnement économique de la ville et de la région Bourgogne. J’ai vainement cherché trace d’une étude de marché crédible et je n’ai trouvé, évidemment, que celles émises par ceux-là mêmes qui avaient décrété cet aéroport in-dis-pen-sa-ble. Les chiffres les plus encourageants (et les plus délirants) ont été mis en avant ; pensez-donc, 250 000 passagers dès 2013. Voici qui allait clouer le bec à Dole-Tavaux, qui allait désenclaver notre ville (qui n’est quand même pas Babaorum), qui allait sauver le tourisme local en faisant débarquer chez nous des cohortes de Grands Bretons avides de week-ends à bas prix dans toute l’Europe, qui faciliterait la vie des hommes d’affaires, qui allait générer des centaines d’emplois, etc. etc. Comme tout projet d’envergure, la question du financement s’est vite invitée dans les débats ; les sommes étant d’importance, on a réuni le conseil général, le conseil régional, leGrand Dijon, la CCI, tout ce petit monde s’engageant à financer à parts égales un dossier de 15 500 000 €. Il y avait bien le concert de ceux qui étaient contre mais ils furent vite renvoyés dans leurs chaumières…

En fait des 250 000 passagers annoncés, cet aéroport n’en a intéressé que 42 167 en 2012. Du coup, les comptes ont viré au rouge et chaque Président cherche à refiler la patate chaude à son voisin tout en l’accusant de vouloir torpiller ce grand et beau projet. Les « réunions de la dernière chance » ont maintes fois permis de « sauver » Renaissance qui, il faut se rendre à l’évidence, n’atteindra jamais les objectifs initiaux.
Aux dernières nouvelles, le déficit d’exploitation prévu à hauteur de 600 000 € pour toute l’année 2013 est déjà à fin août de 1 096 000 € (source Préfecture). Si j’ai bien tout suivi, dès le mois de mai, François Sauvadet avait déjà annoncé ses réticences à jouer le financeur tant que « le projet n’aurait pas été redéfini », ce qui signifie tant que les passagers espérés ne seront pas au rendez-vous, raisonnement qui ne paraît pas complètement idiot. Or, c’est précisément à la CCI qu’incombe la mission d’attirer des compagnies, laquelle voit sa vie sérieusement compliquée par le refus du conseil régional de subventionner les vols low cost (Ryan Air) comme le font les « méchants concurrents » de Dole-Tavaux (ce qui ne serait pas bien légal). Tout ceci est extrêmement fâcheux puisque ce dossier en est à présent à 25 millions d’euros et nul ne peut prédire la taille du puits sans fond qui s’annonce. Je ne sais si cet aéroport est indispensable ou pas, ni s’il sera rentable un jour lointain. Ce que je sais c’est qu’il s’agit d’argent public, c’est-à-dire le mien et le vôtre !