A l’O Prédrag !

Petite révision des nouvelles dijonnaises de l’été : Predrag Dordevic a signé en juillet dernier à Dijon. Mais où ? Au DFCO, à la JDA, au DBHB, au Stade dijonnais ? Non. Vous n’y êtes toujours pas ? Le solide gaillard d’origine serbe, pas vraiment sportif, a rejoint l’équipe de cuisine du restaurant l’O sur le marché. Une recrue qui fait la fierté des deux patrons de l’établissement, bien conscients d’avoir trouvé dans ce mercato une perle rare pour diriger leurs fourneaux.

La quarantaine depuis peu entamée, Predrag Dordevic a vu le jour à Paris. En 1971. Il n’a que 14 ans quand sa mère disparaît. Le père, qui travaille dans la confection ne fait pas pour autant dans la dentelle. Il ne lui laisse pas le choix. Il faut apprendre un métier. Predrag n’hésite pas un seul instant. Le souvenir de cette mère toujours occupée en cuisine pour donner le meilleur à sa famille l’entraîne vers la restauration. « Cette fascination enfantine pour le monde de la cuisine ne m’a jamais quitté » confie cet homme sans le moindre accent qui pourrait trahir ses origines.

Le pré-apprentissage se fait dans le 18e. Commis de cuisine à l’âge de la majorité, il poursuit sa formation parisienne aux Pieds de Cochons (2e) et à la Taverne des Templiers (3e). Il fera une infidélité à la capitale en rejoignant, pendant quelques mois, le Panthéon, à Bordeaux. « Je n’ai pas aimé la mentalité là-bas. Et en plus, un cuisinier parisien dans un établissement géré par un Russe… c’était perçu très moyennement » glisse-t-il sans sourire avec un regard gris acier, couleur baïonette. On comprend vite que Predrag Dordevic n’est pas du genre à se faire chatouiller le ventre. Caractère bien trempé -serbe rappelons-le- c’est une forte tête. Mais pas une grosse tête malgré son CV long comme le bras.

On le retrouve Chez Anatole, à Levallois-Perret, un lieu assidument fréquenté par Patrick Balkany, le sulfureux maire, mais aussi par le dessus du panier des présentateurs télé. Ensuite, c’est le Djoon qui le recrute. Un établissement dans le 13e, quartier général des équipes de RMC. « C’était un astucieux mariage cuisine-soirées. Le problème, c’est que les tables disparaissaient trop vite pour laisser la place à la danse. Amusant mais franchement frustrant pour un cuisinier ».

Et puis c’est La Cantoche (2e). Il y restera de 2007 à 2013. Son Burger enchante les palais et le classe dans le top 10 parisien. Que du bonheur. Mais Predrag se laisse envahir par une envie d’ailleurs. Sa décision ne manque ni de lucidité, ni d’honnêteté, ni d’élégance. « J’ai décidé de m’extraire du contexte parisien pour privilégier la qualité de vie. Mon regard s’est naturellement tourné vers la province. Je n’avais pas de contacts particuliers, alors j’ai posé une annonce dans un magazine spécialisé. Et un beau jour, L’O m’a appelé ». Et la mayonnaise va prendre immédiatement.

Car Predrag Dordevic est un chercheur pas comme les autres dont les expériences aboutissent dans l’assiette. Il propose une cuisine très vive, très inspirée. Plutôt cuisine du monde avec une touche méditerranéenne tout en conservant la touche orientale du restaurant. « Vous me direz ce que vous pensez de mes nemms d’andouillette à la moutarde et au coriandre ou encore mon tajin de souris d’agneau. Je ne cherche pas à copier. Je suis d’abord à l’écoute des clients et de mon équipe. Leurs commentaires sont évidemment très précieux. Début septembre, nous avons lancé le concept brunch sous forme de menus. C’est ce que je faisais à La Cantoche. A Dijon, j’ai fait le choix de travailler 99 % de produits frais » lance-t-il avec ce sourire vif qui s’efface rapidement.

On l’a compris le chef de l’O veut sortir du lot.

 

Photos Eric Capelli