Si vous avez arpenté la rue de la Liberté depuis que celle-ci a été – enfin – rendue aux piétons, mimai, vous ne pouvez pas ne pas l’avoir vue. Qui ça ? La statue représentant une tête végétale qui trône au croisement névralgique qui ouvre sur la place du Bareuzai. D’ailleurs, ignorant celui-ci, la tête végétale (mais quelle est donc le nom de cette oeuvre non signée ?) tourne le dos (si l’on peut dire) à la statue “du fouleur”, qui depuis quelques décennies, occupait la place. Ce jovial personnage ne souffrait jusqu’ici aucune autre concurrence que celle du carrousel voisin, et il réjouit ceux qui font une halte à ses pieds et même trempette, l’été, dans la fontaine au dessus de laquelle il s’élève. Puisque la vie sociale est une forêt de symboles, voyons ceux qui apparaissent comme les plus évidents dans l’affaire. Après l’homme à tête de chou et l’homme sans tête, voici la statue de l’arbre-tête. Car à bien analyser la chose, on s’aperçoit qu’à l’intérieur de la statue, est niché un arbre, autour duquel une tête est donc composée de feuilles vertes. Voici pour le décor.
Les observateurs, les riverains et les visiteurs du centre-ville de Dijon s’accordent tous à reconnaître que la ville est désormais très – trop ? – minérale. Une touche de verdure ne nuit pas, au milieu de cet océan lapidaire. Mais – hic – les feuilles composant ladite tête sont en plastique (incrédule, j’ai fait comme St Thomas, j’ai vérifié en touchant). Que notre époque des TIC et des TOC fasse passer du plastique (ou de la résine de synthèse) pour de la verdure, voilà qui peut choquer, ou amuser. Prenons le parti d’en rire, et déjà d’une époque qui sacrifie à l’écologisme (qui est un idéologie), mais s’accommode de petites compromissions comme celle-ci, fort symbolique pour le coup. Car du faux persil dans les oreilles de la tête de veau, soit, mais là, de quoi y perdre la tête, pour le coup.
Ensuite, on aura remarqué que la tête ne fait pas face au fouleur, mais regarde dans la même direction que lui. Elle l’ignore donc symboliquement, comme si l’art conceptuel (au courant duquel ladite tête semble appartenir) était dans l’impossibilité de dialoguer avec la tradition, écrasant celle-ci de sa superbe, indifférente à l’histoire locale. Autre nouveauté artistique (si si), un peu plus haut en direction de la gare, un immense (faux.. ?) tronc d’arbre blanc tourne interminablement sur lui-même, amusant la (ou les) galerie(s) …
Bref, ces oeuvres ouvrent, l’air de rien, un débat opposant une certaine représentation de l’art urbain, et qui alimentera la chronique locale. Les Anciens et les Modernes aiguisent leurs arguments, coup de génie pour les uns, imposture pour les autres. Dijon se paye une tête de l’art, qui a au moins un mérite, celui de faire causer. Pour vous faire votre avis, faire un détour par cette oeuvre que l’on ne peut pas rater. Puis réfléchissez-y. A tête reposée…
Photos Eric Meimoun