Alain Houpert : « Appuyons sur le bouton « reset » ! »

Alain Houpert fait partie de ces parlementaires qui ne se cachent pas pour demander le retrait de François Fillon à l’élection présidentielle. Il n’aime pas qu’on lui colle l’étiquette de « frondeur ». Il préfère se définir, dans son environnement politique, comme un homme libre. Pour lui, il est encore possible de désigner un autre candidat.

Dijon l’Hebdo : « Vous faites partie des parlementaires qui ont tenté encore tout récemment, mais vainement, de dissuader François Fillon de poursuivre sa campagne. Quel est aujourd’hui votre état d’esprit face à l’ensemble de vos collègues qui semblent avoir fait le choix de la résignation ? »

Alain Houpert : « Je ne fais pas la même analyse. J’ai le sentiment que mes collègues n’ont pas fait le choix de la résignation. Nous sommes face à quelqu’un qui est dans l’obstination, dans le « c’est moi ou rien », dans le « c’est moi ou le chaos ».

Nous sommes des parlementaires qui relaient ce qu’ils entendent sur le terrain. Nous assumons pleinement ce rôle de courroie de transmission sur nos terrains respectifs plutôt que celui qui consisterait à transmettre des éléments de langage parisien ou des ordres d’un parti.

Cette campagne est très mal engagée. Notre candidat est aujourd’hui dans une spirale médiatique et judiciaire. C’est regrettable mais le mal est fait. Il crée dans l’opinion des dégâts considérables : « Tous pourris » entend-on ici ou là ».

« La date du 1er tour de l’élection présidentielle est fixée au 23 avril prochain. Ne pensez-vous pas qu’il est bien trop tard pour envisager une autre solution ? »

A. H : « Les dernières visites de François Fillon ne me rassurent pas. On l’a vu malmené par des concerts de casseroles. A Troyes, il a fallu amener des bus de Parisiens pour faire la claque. Il a d’ailleurs reconnu les difficultés qu’il rencontre pour faire campagne et évoqué tout ce temps perdu pour se défendre. Nous, ce que nous proposons, c’est justement qu’il prenne du temps pour se défendre. Nous voulons avant tout que les Français gagnent cette présidentielle. Nous sentons bien cette forte volonté d’alternance. Et, cette alternance, elle risque de ne pas se faire du tout ou bien de se faire avec les extrêmes. Je pense que François Fillon a une mauvaise communication, des mauvais communicants qui le poussent à attaquer maladroitement la justice et la presse. Il doit faire face à ses responsabilité et ne pas rejeter la faute aux autres. Cette attitude relèverait du bon sens ».

« S’il maintient, comme il l’affirme, sa candidature, pensez-vous que François Fillon sera présent au second tour ? »

A. H : « Je ne le pense pas. Je suis un homme de terrain. Je vois et j’entends beaucoup de monde. J’entretiens une véritable proximité avec mes électeurs. Je reçois de nombreux appels, des SMS qui me font part du désarroi qui a envahi tout ceux qui attendent l’alternance. Les militants sont perdus. Il est de plus en plus difficile d’en trouver pour aller tracter. Ils se font « shooter » par la population ».

« Qui pourrait dissuader François Fillon d’aller au bout ? »

A. H : « C’est aux Républicains de s’affirmer. Le bureau politique peut être réuni par le président du parti ou par un tiers des membres de ce bureau. C’est dans les statuts. Espérons qu’il y en aura un tiers qui aura le courage de le faire ».

« Donc un plan B est toujours possible ? »

A. H : « Je me manifeste parce que je suis un homme de conscience. Et ma conscience me fait dire qu’on va dans le mur.

Je suis un homme d’engagement et je pense que d’ici le 17 mars, date limite du dépôt des candidatures, on peut trouver la solution pour présenter un autre candidat. Je ne pense pas que cela puisse être un candidat issu de la Primaire ».

« Une Primaire que vous qualifiez, au passage, d’erreur… »

A. H : « Notre primaire, c’est notre ligne Maginot qui, aujourd’hui, désoriente les électeurs. Elle a été détournée de son but qui consistait à rassembler la droite et le centre. On constate qu’elle a éclaté la droite. J’affirme qu’il est encore possible de trouver le bon candidat capable de faire gagner la France. Il est urgent de nous rassembler derrière quelqu’un de nouveau. Appuyons sur le bouton « reset » ! »

« L’étiquette de « frondeurs », vous l’assumez ? »

A. H : « Je n’aime pas ce terme de « frondeurs » qui nous est attribué. Je suis sénateur depuis 2008. Les Grands électeurs de Côte-d’Or m’ont aussi élu parce que je revendique un libre-arbitre. J’ai l’habitude de dire les choses, le courage de dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Je pourrais, comme tous mes collègues parlementaires, continuer à murmurer dans le silence des salons du Sénat et de l’Assemblée. Ce n’est pas dans mon tempérament, dans ma culture. Je préfère crier : « Réveillons nous ! ».

J’ai le sentiment qu’il y a deux France. A l’époque, on a parlé de la France d’en haut et de la France d’en bas. Aujourd’hui, il y a la France parisienne et la France périphérique. La France périphérique, ce n’est pas que la campagne, ce n’est pas que la métropole, c’est aussi la parole des banlieues qui se fait entendre. Il y a des drames et des soulèvements et notre candidat a mis trois jours pour se manifester. Gagner une campagne présidentielle, c’est très difficile. Il faut peut-être être debout, comme il le dit, mais il faut aussi aller de l’avant. Actuellement, notre candidat est totalement inaudible. On ne parle que d’une chose : ses affaires judiciaires ».

« Et vous restez optimiste sur l’issue de cette campagne ? »

A. H : « Je ne veux pas que l’on soit contaminé par les extrêmes ou les vendeurs d’illusion que sont Macron, Hamon, Mélenchon… Les Français veulent sortir de cet Etat sclérosé. Ils croient en l’alternance. C’est pourquoi je reste optimiste.

Et il y a deux façons d’être optimiste. C’est l’ancien Premier ministre israélien Shimon Peres que j’ai eu la chance de rencontrer quelque temps avant son décès, qui me l’a expliqué : soit on voit le verre à moitié plein, soit on continue à le remplir. Et bien, moi, en bon bourguignon, je continue à le remplir. Et j’espère que d’ici le 17 mars prochain on aura trouver la bonne solution pour répondre aux attentes des Français ».

Propos recueillis par Jean-Louis PIERRE