François Sauvadet : « Personne ne doit rester au bord du chemin de la dignité et de l’emploi »

Dijon l’Hebdo : Si vous deviez n’utiliser qu’un seul adjectif pour qualifier le budget de la Côte-d’Or en 2017, quel serait-il ?

François Sauvadet : « Protecteur. On voit combien les territoires ont été malmenés, beaucoup de nos compatriotes sont dans la difficulté. Nous-mêmes ne sommes pas épargnés par la baisse sans précédent, d’une violence inouïe, des dotations de l’État. Pour autant, nous continuerons à remplir pleinement notre mission même si elle a évolué avec la loi NOTRe. Mission de solidarité envers les familles les plus défavorisées. Mission de solidarité envers les territoires. Avec un objectif : agir avec humanité mais, en même temps, avec responsabilité ».

Dijon l’Hebdo : Qu’est-ce que ça veut dire avec responsabilité ?

F. S. : « Ça veut dire que l’on continuera avec fermeté la lutte contre la fraude et leurs auteurs qui remettent en cause notre modèle social ».

Dijon l’Hebdo : Avec la réduction des dotations de l’Etat, vous n’avez pas, comme les autres collectivités, d’autres choix que de faire des économies. Dans quels secteurs se feront-elles ?

F. S. : « On n’a pas attendu d’être confronté à une telle baisse. Voilà un moment que nous avons engagé un vrai plan de réorganisation interne du conseil départemental avec la volonté de ne pas remettre en cause notre présence territoriale aussi bien dans les quartiers que dans les communes. Je rappelle que la moitié de nos agents sont sur le terrain.

On avait six directions générales adjointes. Il y a maintenant deux directions opérationnelles : une pour l’aménagement du territoire et une autre pour la solidarité. On a baissé nos charges de fonctionnement à caractère général de plus de 22 %, ce que la Chambre régionale des Comptes n’a pas manqué de souligner. Ces efforts nous ont permis de maintenir le niveau de nos investissements. Il faut reconnaître aussi que nous avons bénéficié de droits de mutation qui ont marqué une légère reprise de l’immobilier ».

Dijon l’Hebdo : Finalement, vous avez su faire le dos rond ?

F. S. : « Non. Nous avons consenti des efforts responsables mais il faudra nécessairement revoir ces dotations de l’État. Je le répète, la baisse a été trop violente. Elle représente quand même 28 millions d’euros de ressources en moins, ce qui correspond, à peu près, à 20 points de fiscalité. N’oublions pas que, dans le même temps, nous avons eu une hausse des dépenses sociales liées au vieillissement de la population, à la prise en compte du handicap, à la protection de l’enfance, à l’évolution du RSA et à l’évolution du chômage ».

Dijon l’Hebdo : Et vous ne voulez pas réduire vos investissements ?

F. S. : « On va continuer nos efforts de recherche d’efficience pour maintenir un haut niveau d’investissement dans nos routes, dans nos collèges mais aussi dans le très haut débit. En 2017, nous investirons environ 75 millions d’euros pour soutenir l’activité et l’emploi, avec la volonté, en respectant évidemment le cadre législatif, les règles de droit et de concurrence, d’en faire profiter les entreprises locales. Aujourd’hui, 84 % de la commande publique côte-d’orienne sont assurés par des entreprises côte-d’oriennes ».

Dijon l’Hebdo : Ni augmenter les impôts ?

F. S. : « Non, pas question. Nous avons pris des engagements, nous les tiendrons. Ce sera la quatrième année consécutive sans augmentation des impôts. Il faut que chacun ait bien conscience du ras-le-bol fiscal et l’impôt local est devenu le tout premier impôt. Les Dijonnais le savent eux qui ont vécu de fortes augmentations ces dernières années ».

Dijon l’Hebdo : Que répondez-vous à votre opposition qui vous reproche de mettre en danger l’éducation spécialisée en réduisant fortement ses crédits et de compromettre ainsi le travail sur des populations qui, un jour ou l’autre, pourraient verser dans la délinquance ?

F. S. : « Quelle hypocrisie ! Dijon, qui ne cesse de critiquer la politique du Département, a baissé ses crédits à la prévention spécialisée. Dans le même temps, au lieu d’organiser une réponse cohérente aux problèmes liés à la prévention du risque social, une politique coordonnée, de médiation avec une prévention spécialisée organisée avec l’ACODEGE, j’ai appris, avec étonnement, que le Grand Dijon allait se doter d’un service de médiation à sa main, sans même prévenir le Département, dans lequel il va investir 900 000 euros. Que Dijon et le Grand Dijon assument leurs responsabilités.

Ma position est très claire : la prévention spécialisée est une compétence partagée entre la prévention de la délinquance qui relève de l’État et des communes et la prévention du risque social dans laquelle nous sommes chef de file. Je mettrai pour la prévention spécialisée autant que les communes apporteront. Si, demain, Dijon veut faire plus, nous nous positionnerons financièrement à parité ».

Dijon l’Hebdo : Ce qui n’empêche pas la collectivité que vous présidez de se doter d’un nouveau Programme départemental d’Insertion pour la période 20162018, avec la volonté de territorialiser vos politiques sociales pour être au plus proche, dites-vous, des réalités du terrain…

F. S. : « Ce n’est pas du tout la même chose. L’insertion, c’est un autre domaine. Ici, l’objectif vise à faire en sorte que les personnes qui sont bénéficiaires d’un accompagnement social, en l’occurrence du RSA, puissent prendre une direction qui les conduira à sortir de leur situation. A cet effet, nous avons la volonté de travailler davantage avec les élus locaux. La territorialisation de l’action d’insertion est une nécessité parce que personne ne doit rester au bord du chemin de la dignité et de l’emploi ».

Dijon l’Hebdo : Quelles sont parmi vos compétences celles que vous avez décidé de « sanctuariser » ?

F. S. : « Parlons déjà des compétences qu’on n’aura plus. En particulier les transports scolaires et les transports inter-cités qui sont transférés à la Région depuis le 1er janvier et au 1er septembre. Il y a celles pour lesquelles il y a des préoccupations dans la mesure où elles sont liées à la volonté de la Région de passer des conventions avec le Département pour les conduire : ce sont l’action économique et l’action agricole qui relèvent désormais de la compétence régionale. La philosophie du Département est très simple : tout ce que la loi nous permettra de faire, et que nous faisions jusqu’à présent, je proposerai de le poursuivre parce que ce sont des politiques qui ont été expertisées.

En tout cas, il y a un domaine sur lequel nous ne reviendrons pas, c’est l’aide aux communes. La gauche, lors de la dernière session, a proposé de baisser l’aide aux communes, notamment sur les bâtiments cultuels non protégés. En clair, nos églises et nos chapelles. Je m’y oppose. Si nous ne continuons pas d’aider nos communes au même rythme que nous le faisons aujourd’hui, c’est tout le visage de la Côte-d’Or et de la France qui s’en trouvera un jour transformé ».

Dijon l’Hebdo : Pourquoi ne pas avoir répondu favorablement à la demande de subvention pour les travaux d’une tribune du stade Gaston-Gérard ?

F. S. : « Nous serons toujours aux côtés de Dijon. Mais en responsabilité. On nous demande de financer une tribune du foot alors que le stade est loué et que les équilibres sont réalisés. Il faut être sérieux. L’argent public doit servir des projets prioritaires et utiles à l’économie, à l’emploi et à l’aménagement du territoire ».

Dijon l’Hebdo : Quels seront les temps forts en Côte-d’Or en 2017 ? Imaginez-vous mettre en place de nouvelles animations ?

F. S. : « 2017 sera une grande année. Il y aura le 80e anniversaire de la route des Grands Crus. C’est un temps fort que nous conduirons avec Côte-d’Or Tourisme. Il y aura aussi de grands événements sportifs. Après l’année du cyclotourisme, nous aurons le plaisir d’accueillir le Tour de France cycliste, le 7 juillet, avec une arrivée à Nuits-Saint-Georges, le tour de Côte-d’Or cycliste du 11 au 13 août.

D’autres événements prendront un nouvel essor comme le salon « Bien Vieillir en Côte-d’Or » fin mars. N’oublions pas non plus la Ferme Côte-d’Or pendant la Foire internationale et gastronomique de Dijon et la promotion de nos producteurs locaux. Ce n’est pas la peine d’aller chercher bien loin ce que nous avons sur place. Prochainement, nous procéderons à des acquisitions de terres dans le péri-urbain pour permettre l’installation de jeunes maraîchers ».

Dijon l’Hebdo : L’arrivée du Tour de France à Nuits-Saint-Georges le vendredi 7 juillet 2017, c’est l’investissement régulier dans l’entretien des routes départementales qui ont séduit les organisateurs de la plus grande course cycliste du monde ?

F. S. : « Dans le milieu cycliste, la Côte-d’Or a acquis une belle notoriété. Notre politique très active de vélo-routes se poursuit. L’État de nos routes est bon, n’en déplaise à la gauche qui nous fait de mauvais procès dans ce domaine. Il est utile de rappeler que nous sommes un des départements le plus sûr de France en matière d’accidents rapportés au nombre de kilomètres. Et l’arrivée d’une étape du Tour est une belle récompense et donnera une bonne image de la Côte-d’Or ».

Dijon l’Hebdo : Voilà déjà un an que la nouvelle région Bourgogne – Franche-Comté s’est mise en place. Quel bilan tirez-vous de cet exercice ?

F. S. : « J’ai été très surpris. Pendant la campagne des régionales, Mme Dufay n’a eu de cesse de dire qu’elle était prête, que tout avait été préparé avec François Patriat… Un an après, nous sommes dans l’inaction la plus totale et tout n’aura été que mensonges. Jamais Mme Dufay, élue avec 34,68 % des suffrages, n’avait annoncé qu’elle augmenterait les cartes grises à hauteur de 51 euros en Franche-Comté avec les conséquences que l’on peut imaginer sur l’industrie automobile. Jamais elle n’avait annoncé qu’elle porterait à son maximum l’indemnité des élus. Il a fallu attendre un an pour qu’enfin on ait un plan de mandat qui est tout simplement un résumé de ses propositions de campagne.

Il y a un point où je suis d’accord avec elle : c’est le constat qu’elle fait de la Bourgogne – Franche-Comté : une région qui a certes des atouts mais qui est une des dernières régions de France pour son PIB. Elle perd chaque année 5 000 emplois industriels. C’est une grande région agricole et, en la matière, la seule proposition de Mme Dufay aura été de faire des audits…

Quand on voit l’organisation mise en place entre la Bourgogne et la Franche-Comté pour le travail à conduire par les fonctionnaires, on ne peut être qu’atterré… Des fonctionnaires qui ont d’ailleurs exprimé leur mal-être. Songez qu’un an après, on n’a toujours pas d’organigramme de la nouvelle région. Et je m’abstiendrai de m’étendre sur le choix et le coût du logo. Où sont l’éthique et la transparence ! »

Dijon l’Hebdo : La plupart des grands groupements urbains ne prendront que trois compétences départementales au 1er janvier 2017. Soit le strict minimum prévu par la loi. La mise en place de la loi NOTRe va donc réduire et affaiblir l’action des départements. Quelles sont les compétences qui vont glisser sur Dijon Métropole ?

F. S. : « On ne peut pas parler d’affaiblissement du rôle des départements. Le Département, c’est la protection des personnes et c’est l’aménagement du territoire réaffirmé par la loi. Mme Koenders qui souhaite faire tant pour la prévention spécialisée aura l’occasion d’exercer cette compétence au sein de la Métropole. Ce sera d’ailleurs un des points durs de la discussion : je n’assumerai plus à Dijon et sur le Grand Dijon la compétence de la prévention spécialisée qui peut être transférée. Ce sera l’occasion de mettre fin à une polémique permanente. Pour le reste, on va discuter sereinement. J’observe que pour le RSA, Dijon avait demandé son instruction avant d’y renoncer. Je ne pense pas que Dijon se positionnera sur ce sujet.

Une chose est sûre, nous conserverons les collèges. Après, tout est ouvert. Si Dijon et le Grand Dijon veulent investir seuls dans les équipements culturels et sportifs comme la loi le permet, qu’ils le fassent. Mais n’oublions pas que les compétences ont un coût ».

Dijon l’Hebdo : Le maintien ou la disparition des Départements seront évoqués par les candidats à l’élection présidentielle ? Pensez-vous qu’il y ait vraiment une menace à court terme ?

F. S. : « Je ne le crois pas. L’idée selon laquelle l’organisation territoriale d’un pays comme la France pourrait se fonder sur des grandes régions, des métropoles et des communautés de communes, est une idée qui ne tient pas la route. Des pans entiers du territoire seraient ainsi laissés sur le côté. Or, le seul élément de la solidarité, le véritable ciment, c’est le département. Les géographes ont démontré que les villes, en se repliant sur elles-mêmes, avaient rejeté la pauvreté et la précarité. On ne peut pas laisser à cette France périphérique ce sentiment d’abandon. C’est pourquoi les Départements s’imposeront comme une évidence ».

Dijon l’Hebdo : La confusion s’installe en Côte-d’Or dans la perspective des élections législatives. Quatre candidats Républicains, un UDI sur la 1re circonscription… Un Républicain face à un UDI sur votre propre circonscription… Un sénateur républicain qui voudrait rebattre, tout seul dans son coin, les cartes et faire la part belle aux jeunes… On a l’impression qu’il n’y a plus de patron de la droite et du centre en Côte-d’Or…

F. S. : « Patron du centre de la droite et du centre… Quand je regarde ce qui se passe à gauche… Personnellement, je suis responsable de l’opposition dans la région et de la majorité dans ce Département. J’y consacre beaucoup de temps et je ferai tout pour que cela reste des pôles de grande stabilité politique pour aujourd’hui, demain et après-demain.

Pour les élections législatives, je fais confiance aux présidents des Républicains et de l’UDI pour parvenir à un accord politique. L’esprit de responsabilité s’impose. Je souhaite qu’on ait un candidat dans chaque circonscription et je vais tout faire pour y arriver. Tout ceux qui veulent l’alternance doivent se retrouver derrière un seul candidat ».

Dijon l’Hebdo : Et que penser de certains jeunes UDI qui évoquent la possibilité de se mettre en marche derrière Macron ?

F. S. : « Je les ai réunis pour leur dire que Macron, c’est une illusion. D’abord, je ne crois pas que quelqu’un qui a une simple expérience de conseil, qui est sorti du gouvernement très rapidement, puisse incarner les valeurs d’un grand pays comme la France. Il a fait l’essentiel de sa carrière chez Rothschild. J’ai beaucoup de respect pour toutes les professions mais quand même… Je n’oublie pas que Macron a été l’inspirateur de la politique économique de la France qui nous a conduits droit dans le mur.

Très vite, la raison reviendra. Il y a un besoin d’alternance franche à laquelle je prendrai toute ma part derrière François Fillon après avoir soutenu loyalement Nicolas Sarkozy qui m’avait confié un poste ministériel ».

Propos recueillis par Jean-Louis PIERRE