Raphael a vu : Mal de Pierres

Mal de Pierres, fresque romanesque française de Nicole Garcia avec Marion Cotillard, Louis Garrel Alex Brendemühl et Brigitte Roüan.

Gabrielle (l’incandescente Marion Cotillard) a grandi dans la petite bourgeoisie agricole où son rêve d’une passion absolue fait scandale. A une époque où l’on destine d’abord les femmes au mariage, elle dérange, on la croit folle. Ses parents la donnent à José, un ouvrier saisonnier, chargé de faire d’elle une femme respectable. Gabrielle dit ne pas l’aimer, se voit enterrée vivante.
Mal de pierres, adaptation d’un court roman italien de Milena Agus, a été lui aussi enterré par une partie de la critique, et ce dès sa présentation au festival de Cannes au mois de mai. Les Cahiers du cinéma ont même parlé de téléfilm ! Pour le mercredi de sa sortie nationale, « l’excellent journal Le Monde », comme aurait clamé Coluche, a totalement surfé sur la vague de Brice 3, auquel le quotidien consacre une pleine page, et « cassé » un peu le dernier film de Nicole Garcia avec la très farouche Marion Cotillard. « Étonnant, non » aurait pu répliquer Pierre Desproges ?
Et pourtant, pourtant… Difficile de marcher vers d’autres cieux, d’autres pays en oubliant la cruelle froideur de Gabrielle envers José, le mari taiseux qu’on lui a choisi. Le comédien espagnol Alex Brendemühl joue avec beaucoup de pudeur et d’intensité le rôle de cet ouvrier agricole catalan, discret adorateur en détresse. Il va devenir entrepreneur en bâtiment, grâce au bon vouloir d’une belle-mère autoritaire interprétée par Brigitte Roüan, soucieuse de se libérer d’une fille en quête d’amour absolu.
Cet amour découvert grâce à la littérature, Gabrielle le rencontrera dans l’établissement de cure thermale dans lequel elle est envoyée pour soigner ses calculs rénaux, son mal de pierres. Un amour cette fois-ci incarné par un lieutenant blessé durant la guerre d’Indochine, André Sauvage. Il fait renaître en elle cette urgence d’aimer. Ils fuiront ensemble, elle se le jure, et il semble répondre à son désir. Louis Garrel interprète à la perfection le rôle du beau ténébreux pâle, traînant son mystère avec une sensualité fiévreuse.
Quant à Marion Cotillard … Nous ne cessons de dire tout le bien que nous pensons de cette grande tragédienne à longueur de chroniques. Elle a été Lady Macbeth au côté de Michael Fassbender dans le film aux couleurs sombres et rouge sang de l’australien Justin Kurzel, elle était la touchante Catherine dans Juste la fin du monde du canadien Xavier Dolan, elle sera en novembre la résistante française Marianne Beauséjour dans le dernier Robert Zemeckis Alliés. Nous la retrouverons enfin avec l’équipe de Macbeth dans Assassin’s Creed pour les fêtes de Noël ! L’année 2016 a été, est et sera celle de notre môme à nous : une étoile dans le ciel noir du cinéma international, qu’elle éclaire de tout son talent et de toute sa beauté.
Mystérieuse, sensuelle et sauvage, Marion Cotillard interprète une femme en retrait d’une époque trop petite pour elle, une passionnée féministe qui voit en son Sauvage de lieutenant la possibilité d’un autre monde, celui dont elle rêve. Difficile de ne pas penser à Adèle H de Truffaut. Mal de Pierres est une histoire âpre d’amour et de guerres. Nicole Garcia, qui, dans sa carrière d’actrice, a représenté avec énergie et sensibilité les différents visages de la femme moderne, a ce don de rendre émouvants les personnages qu’elle filme avec force et empathie.
La photographie éclatante de Christophe Beaucarne joue avec les contrastes entre les couleurs pastel de la montagne dans le brouillard et le bleu électrique du sud, variation de ton, de lumière et de notes dans une partition signée Daniel Pemberton, Bach, Schubert, Mozart, Tchaïkovski, Chopin ou Purcell. Mal de Pierres a déjà tout d’un grand classique que nous aimons, comme son héroïne : à la folie !

Sept merveilles de la cinéaste à (re) voir en DVD ou VOD
UN BEAU DIMANCHE (2013) : l’histoire délicate et intense d’une rencontre entre une fille mère et un instituteur dans le sud de la France. Un grand film qui révèle Pierre Rochefort, fils de Jean et de Nicole, et confirme le talent de Louise Bourgoin. Egalement le plaisir frissonnant de retrouver Dominique Sanda en grande bourgeoise.
UN BALCON SUR LA MER (2010) : suspense romanesque autour d’une vamp mystérieuse (Marie-Josée Croze) emportée par les événements de la guerre d’Algérie. Le Vertigo de Nicole Garcia et peut-être le meilleur rôle de notre « Brice de Nice » national, Jean Dujardin ?
SELON CHARLIE (2005) : Une ville au bord de l’Atlantique, hors saison. Trois jours, sept personnages, sept vies en mouvement, en quête d’elles-mêmes, qui se croisent, se ratent, se frôlent, se percutent et qui en se quittant, ne seront plus jamais les mêmes. Bacri, Lindon, Magimel et Poelvoorde dans une chronique de la vie ordinaire où l’humour n’oublie jamais de pointer son nez.
L’ADVERSAIRE (2002) : film inspiré du tragique destin de Jean-Claude Romand, un homme qui, un matin de janvier 1993, assassina sa femme, ses enfants et ses parents, et tenta en vain de se suicider. Perfection glaciale de la réalisatrice avec un Daniel Auteuil plus insondable que jamais.
PLACE VENDÔME (1998) A la mort de son mari joaillier, Marianne qui a sombré depuis longtemps dans l’alcoolisme, retrouve dans son coffre sept magnifiques diamants. Histoire romanesque aux mille facettes qui sert d’écrin à une immense actrice : Catherine Deneuve, prix d’interprétation à Venise.
LE FILS PREFERE (1994) Pour faire face à des difficultés financières, Jean-Paul Mantegna, entrepreneur, se tourne vers ses deux frères pour leur demander de l’aide. Mais, son aîné enseignant n’a plus un sou tandis que son frère cadet, avocat richissime, refuse de lui donner le moindre centime. Magnifique interprétation du trio d’acteurs, Giraudeau, Barr et … Lanvin : le fils préféré héritera d’un César amplement mérité !
UN WEEK-END SUR DEUX (1990) Première réalisation pour Nicole Garcia qui choisit Nathalie Baye pour interpréter Camille, une comédienne à la dérive qui enlève ses enfants, direction l’Espagne ! Une femme avec ses doutes, ses contradictions et son désarroi qui ira au bout de ses impulsions et de ses désirs. Déjà…