« Les entrepreneurs sont les nouveaux hussards du XXIe siècle »

Interview de Laurent Grandguillaume
Député de la 1ere circonscription

La rentrée 2014 restera probablement dans les annales de la vie politique française avec le désaveu historique de François Hollande qui, avec 13 %, obtient le plus petit pourcentage de satisfaits obtenu par un Président de la Ve République. Pas facile, dans ces conditions, de porter l’étiquette PS ?
Je suis socialiste. Je n’ai jamais caché mon étiquette même dans les moments difficiles. Je soutiens François Hollande même si les sondages ne lui sont pas favorables. Je ne fais pas partie de ceux qui, parce qu’il n’a que 13 % d’opinions favorables, vont tenter de se différencier. François Hollande éprouve des difficultés en raison de résultats insuffisants sur les plans économique et social. J’ai eu l’occasion de lui exprimer ma façon de penser. De lui exprimer mes attentes. Il y a eu des erreurs. Il faut les corriger et avancer. Nous avons tellement de défis à relever.
Mais ce qui m’interpelle le plus c’est de voir que la confiance en direction de tous les présidents de la République a diminué de mandat en mandat. La défiance touche tous les politiques qu’ils soient de droite ou de gauche. Il faut que les politiques s’astreignent à un discours de vérité. Il ne faut pas hésiter à dire les choses telles qu’elles sont. Quand on est face à une difficulté autant l’expliquer simplement plutôt que de s’enfermer dans certains raisonnements. Le monde évolue vite. Les politiques doivent d’adapter.

La fronde s’affirme de plus en plus dans la majorité socialiste. A court terme, le PS est-il en danger ?
S’il y a une fronde à mener, c’est contre le chômage et les difficultés que rencontrent les Français. Les parlementaires socialistes qui ont été élus peuvent s’exprimer individuellement. Ils le font tellement bien qu’ils vont jusqu’à se tirer une balle dans le pied et se retrouver parfois sans balle et sans pied. Il n’y a pas de destin individuel capable de sauver le collectif. Les socialistes doivent cesser de se diviser. Débattre, confronter les idées, c’est bien mais une fois que les questions sont tranchées il faut se regrouper et faire front commun. Quand on est dans une période difficile comme celle que l’on vit, on a le droit ni à l’échec ni, encore moins, aux divisions. En face de nous, il y a de nouveaux réactionnaires. Soyons vigilants.

« Parce qu’il est temps à gauche de bousculer l’ordre des choses » dites-vous,vous lancerez prochainement le cercle de réflexion national « République, Progrès et Solidarités ». Vous souhaitez l’ouvrir à tous ceux qui veulent sortir des vieux dogmes et répondre aux défis de demain. Il existe pourtant, à gauche, des cercles de réflexion. Pourquoi en créer un nouveau ?
Prenons l’exemple du think tank Terra Nova qui pense que la gauche devrait moins orienter ses actions en direction des ouvriers et des employés. Je ne peux pas être d’accord avec une telle position. Ouvriers et employés représentent 60 % des salariés en France. Si ces derniers se sont éloignés de la gauche, c’est parce qu’elle n’a pas suffisamment répondu à leurs attentes. Ouvriers et employés n’attendent pas pour autant un discours qui date de Karl Marx mais des actions concrètes dans les domaines de l’emploi, du logement, de l’éducation, de la santé, des territoires.
La majorité des ouvriers et des employés vivent dans le péri-urbain et le rural. C’est pourquoi le premier sujet sur lequel travaillera ce nouveau cercle de réflexion portera sur les transports contraints. Il y a beaucoup de Français qui, tous les jours, se déplacent en voiture ou en transport en commun pour aller travailler. Certains consacrent plus d’un quart de leur budget mensuel dans les déplacements. C’est une dépense contrainte importante dont personne ne parle. Pour moi, c’est une réflexion importante à mener
avec des solutions que je souhaiterais proposer dans le cadre de ce groupe de réflexion qui sortira des vieux dogmes et des grilles de lecture anciennes.
Pas questions de s’enfermer dans des théories. L’objectif, c’est de proposer des solutions concrètes à des problèmes concrets.

Comment s’organisera ce cercle de réflexion ?
Il y aura des réunions mensuelles à Paris et dans les territoires avec des comités départementaux. Ce cercle est ouvert à tous les républicains qui défendent le progrès et les solidarités.

Pourrait-on imaginer dans notre pays qu’un jour on ait la culture des solutions plutôt que celle du discours des problèmes, de positiver sur l’avenir plutôt que de toujours faire le bilan du passé révolu, de nous appuyer sur nos forces et de les valoriser plutôt que de faire l’addition de nos faiblesses ? Cette question, c’est vous qui l’avez posée ? Quelle réponse faites-vous ?
Pour reprendre un proverbe africain, on écoute l’arbre qui tombe mais pas la forêt qui pousse.
Notre pays a beaucoup d’atouts. Puissance maritime mondiale, des industries encore performantes malgré les choc subis, des entreprises qui innovent, des acteurs de terrain, des associations qui se battent au quotidien. Je constate qu’on ne valorise pas ou trop peu les talents. On a l’impression d’avoir une culture qui repose sur la mise en avant des difficultés, des freins. On a vécu, dans le passé, des périodes bien plus difficiles et on a toujours réussi à s’en sortir. On a besoin de retrouver aujourd’hui un élan collectif. Soyons plutôt dans la culture des solutions et arrêtons de nous interroger sur les responsables des difficultés. Ne tombons pas dans le paradoxe de l’oeuf et de la poule.

Le Premier ministre Manuel Valls ne tente-t-il pas de redessiner les contours politiques de la gauche ? En la rapprochant du centre, par exemple ?
C’est peut être son objectif. Ce n’est pas par des additions ou des soustractions de partis ou de forces politique que l’on parviendra à résoudre les difficultés du pays. Pour recréer les conditions de la confiance, les politiques doivent d’abord s’adresser aux Français à travers les solutions qu’ils proposent et répondre concrètement à leurs problèmes. Pour changer le quotidien des Français, il faut agir sur l’emploi, le logement, l’éducation, la santé. Le gouvernement a pris des mesures dans ces domaines mais il ne les a pas suffisamment valorisées. Le temps institutionnel ne correspond plus au temps de vie des uns et des autres. Le Premier ministre peut vouloir rénover la gauche et les idées mais en même temps quand il annonce une mesure s’il se passe un an et demi avant qu’elle ne s’applique, cela crée une coupure préjudiciable entre le politique et le citoyen.

Votre collègue PS Kheira Bouziane, députée de la 3e circonscription de Côte-d’Or, n’a pas voté la confiance à Manuel Valls. Avez-vous eu l’occasion d’évoquer cette position avec elle ?
C’est son choix et je le respecte. Cela m’est déjà arrivé d’exprimer des positions différentes de mon groupe. Sur les intermittents du spectacle, par exemple. Par contre, le vote de confiance était un moment important car le discours de Manuel Valls, dans les annonces qu’il a pu faire, va dans le bon sens. J’espère que les députés qui se distinguent sauront se regrouper dans l’intérêt général quand les grandes réformes devront être votées.

C’est la confiance des entreprises que Manuel Valls doit vraiment obtenir. Il faut que les patrons reprennent goût à investir puis à embaucher. A votre avis, vont-ils jouer le jeu ?
J’ai confiance dans les entrepreneurs même si je comprends la difficulté qui est la leur de se projeter. Il faut arrêter de les pointer du doigt et de les opposer systématiquement aux salariés même s’il faut améliorer le dialogue social. J’espère que toutes les mesures de simplification que l’on prend en créeront un écosystème favorable qui permettra aux entrepreneurs d’investir et ainsi de créer des emplois car ils auront plus de visibilité. Il y a dans notre pays des millions d’entrepreneurs qui agissent dans les territoires. Pour moi, ce sont les nouveaux hussards du XXIe siècle.

L’entreprise, justement, vous avez souhaiter l’approcher dans le cadre d’une semaine de stage que vous avez effectué au sein de la chaîne de magasins Nature et Découvertes, en région parisienne. Que recherchiez-vous avant tout dans cette démarche ?
L’entreprise, c’est la vie, le quotidien de plus de 20 millions de Français. J’en visite beaucoup. Sur ma circonscription, en Côte-d’Or et ailleurs. En règle générale, cela dure quelques heures, une demi-journée tout au plus. Ce qui laisse peu de temps pour s’imprégner de la structure.
Je souhaitais pouvoir sortir la tête du guidon, me poser sereinement dans une entreprise, en dehors des sessions parlementaires, pendant une semaine avec les dirigeants et les salariés pour mieux appréhender les problématiques de l’entreprise qui ne sont pas les mêmes que celles que j’ai pu vivre quand j’ai travaillé dans le privé.
Ce stage, je l’ai effectué chez Nature et Découverte, pendant une semaine, à la fois au siège mais aussi dans différents magasins comme celui de Dijon. Les échanges ont été fructueux à tous les niveaux de l’entreprise, y compris avec les délégués du personnel. J’ai pu ainsi affiner un certain nombre de propositions dans le cadre du conseil de simplification que je co-préside avec Guillaume Poitrinal. Nous allons, ce mois-ci, présenter 50 mesures de simplification pour les entreprises.
Ce stage fut d’autant plus intéressant car, contrairement à ce qu’on pense, Nature et Découverte est une entreprise de taille intermédiaire de moins de 1 000 salariés, dont les capitaux sont familiaux. Ce n’est donc pas un groupe capitalistique. C’est une entreprise non délocalisable, durable qui crée des emplois en France.

Benoît Willot, le président de la CGPME Côte-d’Or, a salué cette initiative et souhaite vous inviter, l’été prochain, à passer une semaine de stage chez un adhérent de la CGPME…
Je répondrai avec grand plaisir à son invitation de passer une semaine dans une entreprise adhérente à la CGPME.

Vous vous êtes beaucoup investi pour la défense des Auto-entrepreneurs et Micro-entrepreneurs. Etes-vous satisfait de voir votre travail évoqué dans le dernier livre de Xavier Delpech, juriste spécialisé en droit de l’entreprise ?
OUI, bien sur. C’est un livre très complet sur les micro-entreprises. Xavier Delpech est un véritable expert. J’ai travaillé avec lui dans le cadre de mon rapport sur les auto-entrepreneurs dont les propositions ont été reprises dans une loi. C’est une belle satisfaction de voir que son travail n’est pas rangé dans la poussière d’un placard. Je travaille aujourd’hui sur le statut unique d’entrepreneur individuel.

Que vous inspire le retour de Nicolas Sarkozy ?
Si Nicolas sarkozy devient président de l’UMP, ce sera incompatible avec sa fonction au conseil constitutionnel. Il faudra qu’il choisisse pour éviter le conflit d’intérêt. C’est un enjeu de pouvoir, un problème interne à l’UMP entre Sarkozy, Juppé, Fillon, Lemaire, Bertrand… A eux d’organiser des primaires s’ils veulent se départager. C’est la démocratie.

Le député Grandguillaume a-t-il des contacts réguliers avec le ministre Rebsamen ?
Oui. Evidemment. Même si son agenda est complexe, nous avons des échanges réguliers sur la situation politique et les dossiers qui touchent à son ministère.

Vous trouvez encore du temps à consacrer à la ville de Dijon ?
Je suis en moyenne deux jours et demi à l’Assemblée nationale. Le reste du temps je le passe à Dijon. Le lundi, je suis à ma permanence parlementaire pour recevoir des rendez-vous. Le jeudi après-midi et le vendredi, je suis sur le terrain. Le week end également. Je suis encore conseiller municipal. Plus adjoint, car j’ai souhaité, dès mon élection, m’appliquer le non cumul avec un exécutif. Je participe à la vie de la commune et je porte un intérêt tout particulier à la vie associative. Je suis également sollicité dans d’autres départements. J’ai fait une quinzaine de déplacements pour présenter mon travail sur l’entreprise. C’est bien aussi de prendre ce temps-là car c’est l’occasion de nouvelles idées.